Le texte de l’Apocalypse de Saint Jean décrit un drame qui se joue entre un dragon, une femme et un nouveau-né.  Que symbolise le dragon ? Il symbolise toutes les entités spirituelles non ordonnées à Dieu qui s’opposent à lui et qui le haïssent. La conséquence de l’action de toutes ces forces de mort, c’est ce combat qui oppose la mort et la vie : mort physique à laquelle nous sommes tous confrontés car elle s’est introduite dans notre humanité dès le péché originel mais aussi la mort spirituelle c’est-à-dire la rupture définitive avec Dieu. Dans ce texte est proclamée la victoire de l’enfant qui naît et d’une femme couronnée d’étoiles, la lune sous ses pieds. L’enfant qui naît c’est le Christ mais aussi les enfants du Père que nous sommes.

La femme c’est l’Église, mais c’est aussi la première de cordée de l’humanité blessée qu’est Marie. Le texte de l’Apocalypse dit la victoire du Christ en des mots très solennels : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu ». Le style apocalyptique est une méthode utilisant des symboles pour décrire l’histoire de l’humanité vue du Ciel dans le dessein bienveillant de Dieu sur l’humanité. La victoire du Christ est définitivement inscrite dans le Ciel mais aussi dans nos vies. D’où la solidité de notre espérance. Nous avons raison d’installer nos vies sur la foi en cette victoire. Avec ses propres mots, Saint Paul confirme cette victoire. Victoire contre les forces de mort à l’œuvre dans ce monde. Le dernier ennemi, précise-t-il qui sera anéanti, c’est la mort.

Dans le texte de l’Évangile de ce jour, l’inouï surgit du récit de la Visitation. D’abord les naissances : un enfant qui nait d’une vierge, un autre enfant qui nait d’une vieille femme stérile, c’est inouï. Dans ce récit sont signifiées des semences de Résurrection déjà à l’œuvre en Marie et dans son entourage. Après l’annonce de l’Ange Gabriel, Marie se leva : le mot grec qui est utilisé ici pour se leva, est celui utilisé pour la résurrection. Déjà en Marie, des semences de résurrection. « Marie se rend avec empressement ». Quelle urgence derrière cette hâte ? Aucune urgence, juste l’action de l’Esprit saint qui presse Marie à faire cette visite à Élisabeth.  Arrivée chez sa cousine, l’Esprit saint continue son œuvre.

Le mot de salutation de Marie, le shalom de Marie va déclencher une réaction en chaîne. L’enfant en Élisabeth va tressaillir. Élisabeth va prophétiser d’une voix forte sous l’action de l’Esprit saint. Marie sous l’action de l’Esprit saint va proclamer son Magnificat. La réponse de Marie à la salutation d’Elisabeth, c’est le Magnificat. Mon âme exalte le Seigneur. Son âme, c’est sa personnalité, son intelligence, son affectivité et sa volonté, en fait toutes ses capacités humaines. L’âme de désir de Marie, toute tournée vers la grandeur de Dieu est comme aspirée vers la Transcendance par l’Esprit Saint. Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. L’esprit est une partie spécifique de l’âme, une partie de la psyché dirons-nous maintenant.

C’est plus particulièrement l’esprit de Marie qui est dans la joie, c’est à dire la partie la plus spirituelle de son âme. C’est cette joie profonde de la rencontre avec Dieu qui se communique à Elisabeth, sa cousine. Dans le Magnificat Marie chante une révolution silencieuse opérée par la venue du Christ. Marie affirme que Dieu : « Déployant la force de son bras, disperse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes, élève les humbles. Lc 1, 51 s.). Elle indique de manière implicite un domaine précis dans lequel il faut commencer à combattre la « volonté de puissance », notre cœur. Notre intelligence, tout notre psychisme peut devenir une sorte de trône sur lequel nous siégeons, pour dicter des lois et foudroyer ceux qui ne s’y soumettent pas. Nous sommes potentiellement des « puissants sur des trônes ».

Dans la famille, le travail, le social et même la vie ecclésiale, il peut arriver malheureusement que notre ego se manifeste comme tout puissant, provoquant des souffrances à ceux qui en sont victimes. Qu’oppose l’Evangile, au pouvoir ? Le service ! Un pouvoir pour les autres et non pas sur les autres.  Qu’oppose l’Evangile, à l’orgueil, la prière où je me reçois de quelqu’un plus grand que moi. Quand nos capacités humaines diminueront et c’est le cas déjà pour certains d’entre nous, nous nous sentirons dépossédés, il ne nous restera plus que l’essentiel l’esprit, l’homme intérieur, qui grandit comme dit St Paul quand l’homme extérieur diminue. Nous fêtons l’Assomption de Marie.

Déjà se devine dans le Magnificat le mouvement même de l’assomption. ce que l’Esprit Saint initie en Marie dans son âme et dans son esprit, Il faudra pour elle assumer ce travail de l’Esprit dans tous les moments de sa vie. Dans les moments heureux comme ceux de l’annonciation et de la visitation mais aussi dans la vie quotidienne. Marie a assumé le travail de l’Esprit Saint en elle dans une vie très simple et faite d’humbles taches du quotidien dans le petit village de Nazareth en Galilée. Elle a assumé cela en Dieu, sous le regard divin. Chaque geste extérieur, chaque mouvement intérieur de Marie a été constamment remis à Dieu, assumé en Lui. Elle a dû assumer aussi le travail de l’Esprit Saint en elle dans les moments douloureux : profonde incompréhension et souffrance au recouvrement au temple, immense douleur au pied de la croix.

Marie assumera le travail de l’Esprit Saint jusque dans la souffrance de la Passion, jusque dans son cœur blessé devant la défiguration de son Fils en Croix. Assumer, assomption,  comment comprendre le lien entre ces deux mots. Peut-être en partant de la formule du dogme. Voilà comment il est exprimé. Non seulement, Marie n’a pas été emportée par la mort mais elle a été assumée corps et âme dans la gloire céleste. ( formule du dogme de l’Assomption). L’âme et le corps sont très liés. Marie a assumé le travail de l’Esprit Saint en elle jusque dans son corps. Ce que nous contemplons dans l’Assomption, c’est Marie dont l’esprit s’est tellement laissé travailler par l’Esprit Saint que tout son être jusque dans son corps a été assumé par Dieu. L’Assomption c’est la gloire de Dieu qui se communique à l’humanité. Ce n’est pas facile le mot gloire.

La gloire de Dieu c’est le rayonnement de son amour. Amour libérateur, guérissant les blessures de notre humanité. L’Assomption de Marie est l’occasion pour nous de nous replonger dans cette tendresse. L’Assomption de Marie n’est pas un privilège dans le sens où ce ne serait que pour elle. L’expérience de l’Assomption de Marie est un don aussi pour nous. La nature de ce don est de se communiquer à d’autres. Marie est la première en chemin comme chef de cordée. Elle nous accompagne et nous guide, nous qui avons à traverser les ravins de la mort.

Marie est mère. Cette vie en Dieu, cette vie plus forte que la mort, elle nous l’enseigne comme une mère peut l’enseigner à ses enfants pour que nous même nous l’enseignons à notre tour. Elle nous l’enseigne comme une réalité à venir mais aussi réalité déjà présente dans notre vie, ici et maintenant. Marie communique en fait son assomption, c’est à dire sa vie, sa tendresse, son amour pleinement assumé en Dieu. Comment accueillir dans nos vies cette Assomption ? Comme Élisabeth, sa cousine, en accueillant Marie chez nous, dans notre propre vie. Comme Jean, au pied de la Croix en accueillant Marie comme mère. Notre vie spirituelle a besoin de la tendresse maternelle de Marie.

Pourquoi ? Parce que Marie ne cesse d’enfanter en nous le Verbe, son Fils. C’est ça entrer dans l’expérience de Marie, c’est assumer ce que Marie a assumé. C’est accepter que Dieu assume en nous ce qu’il a assumé en Marie. Comment ? En consentant à ce que la promesse de Dieu aille au-delà de notre compréhension, à ce qu’il nous précède sur notre chemin, en accueillant les semences de Résurrection et en ne perdant pas de vue la finalité, le sens de nos vies qu’est la Résurrection, notre résurrection. Comme Marie, corps, âme, esprit, nous serons assumés dans la gloire de Dieu, dans sa lumière, dans sa paix, dans sa joie.

 

Bmg