La liturgie de ce dimanche nous fait lire la parabole du « Bon Pasteur », elle en répartit la lecture sur les trois années liturgiques, chaque lecture présente un aspect de cette parabole: Année A : Jésus est la porte de la bergerie, Année B Jésus est le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis et, année C, c‘est l’image de la main du Père et du Fils qui protègent et sauvent.
Tout d’abord que me dit l’image de la porte ? « Moi, je suis la porte. » Au temps de Jésus, le berger, avant la nuit, coupait des ronces et les disposait en cercle. Il laissait une ouverture dans le cercle, y faisait rentrer les moutons et dormait ensuite en refermant le cercle avec son corps. « Je suis la porte » ! Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. » La fonction de la porte, c’est à la fois de s’ouvrir mais aussi de se fermer. Elle garantit une vraie sécurité mais aussi une vraie liberté. Tout d’abord la sécurité : j’ai besoin d’être en sécurité, j’ai besoin d’une porte qui me met hors de danger, qui m’installe dans une grande assurance.
Assurance, paresia en grec, c’est le mot qu’emploie St Paul pour nommer le fruit d’une intimité avec le Christ. Connaître Jésus, passer par la porte qu’il est, c’est être mis en sécurité car alors aucune effraction du voleur n’est possible. La brebis est en sécurité, c’est alors qu’elle est libre d’entrer et de sortir. « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. »
Cette très belle phrase, que l’on trouve uniquement dans l’évangile de Jean, est très attirante. Nous avons ici une image absolue de liberté et de sécurité. C’est vraiment une version du Psaume 22, où la brebis ne manque absolument de rien, elle est accompagnée, pendant toute sa vie, par la bonté et la miséricorde. N’est-ce pas la clef de ma liberté intérieure ? Plus ma liberté intérieure grandit, plus les événements extérieurs coercitifs qui semblent m’enfermer peuvent me troubler mais n’entament pas cette sécurité intérieure. Je peux alors traverser les ravins de la mort sans craindre aucun mal. Accueillir dans tout mon être conscient et inconscient cette sécurité contribue à mettre à distance ce qui pourrait me troubler, m’écraser, me piétiner. Dans cette intériorité profonde, la porte en moi qu’est Jésus est une porte ouverte sur l’Éternité de Dieu et l’amour universel.
La deuxième image est celle du bon pasteur. Il est le berger, il n’est pas le voleur. On peut lui faire confiance puisqu’il défend ses brebis jusqu’au risque de sa vie. Oui mais s’il meurt aussi héroïque soit-il, ne met-il pas en danger le troupeau ? La troisième image est la réponse à cette question. « Je leur donne la vie éternelle » Les brebis de Jésus sont dans la main du Père et du Fils, dans leur mutuel amour. La vraie solidité, la véritable solidité, c’est d’appartenir au Père et au Fils. En cette intimité, c’est le Ciel qui donne la meilleure garantie qui soit : la vie éternelle. Mais que signifie sur cette terre « vie éternelle ? » L’Esprit Saint qui a été livré dans notre cœur construit, consolide affermit en nous la vie éternelle. La vie éternelle, c’est déjà maintenant même si nous avons à affronter toutes les forces de mort qui cherchent à nous désorienter. Notre oui à cette invitation de suivre le bon berger, nous protège de toutes les forces de mort intérieures et extérieures qui nous assaillent. Il est la porte, il n’est pas l’effraction. Il est le bon pasteur et non un mercenaire. Oui Seigneur donne nous cette sécurité intérieure mais comment discerner ce qui vient du Ciel et ce qui vient des forces de mort ? Une quatrième image nous indique un outil de discernement : la voix.
Le Berger connaît ses brebis, chacune d’une façon particulière. Pour lui, chaque nom est un monde unique qu’Il ne serait confondre avec un autre et chacune, en entendant son nom, se sait reconnue, identifiée, aimée et préférée. Et toutes ont raison, car c’est bien ainsi que le Berger soigne ses brebis. C’est à la voix que nous le reconnaissons, comme Marie de Magdala au jardin du tombeau. C’est dans l’écoute de sa voix que nous discernons ce qui est vrai, authentique. Discerner et laisser la parole du Berger véritable transformer nos vies. Écouter sa voix, c’est le suivre, mettre nos pas dans les siens, c’est partager nos deux destins, nous attacher à celui qui nous aime et que nous aimons. La vie éternelle, c’est être dans la main de Dieu. Le bon Berger nous connaît par notre nom, en notre singularité, en notre personnalité. Dans les premiers temps du christianisme, on s’est emparé de cette image si rassurante du Bon Pasteur.
Beaucoup de représentations du Christ sont celles du Bon Pasteur. Particulièrement dans les catacombes. La croix ne s’est pas imposée tout de suite. C’est dire notre profond désir d’être mis en sécurité sur des prés d’herbe fraîche, de traverser les ravins de la mort sans aucune crainte ? Consolation dans l’espérance mais aussi consolation dans la souffrance du monde telle que nous pouvons la vivre douloureusement actuellement. Persécutions, violence, humiliations n’ont jamais cessées dans l’histoire. L’information non-stop dont nous sommes abreuvés ne nous en épargne aucune. Parfois nous avons à les vivre dans notre propre chair : trahisons, emprises, abus par tous les mercenaires possibles et imaginables.
Allons-nous attendre d’être en l’autre monde pour être consolés. Certes non ! Et c’est le sens de la Bonne Nouvelle. L’Esprit qui nous est donné nous donne la force de lutter contre toutes forces de mort, d’être nous-même consolation pour ceux qui souffrent, d’être légitimement en colère contre toute injustice. Plus que cela, l’action de Dieu dès ici- bas, non seulement nous donne de lutter contre les injustices du monde mais d’être consolés, mis en sécurité sous le regard bienveillant de Celui qui connaît notre nom. Il est Celui qui à chaque épreuve nous porte, nous fortifie pour que nous puissions traverser les ravins de la mort, sans crainte. Puissions-nous écouter sa voix et accueillir dans l’Eucharistie cette vie éternelle venue du Ciel pour féconder notre pauvre terre aride, assoiffée, cherchant l’eau vive. Nous proclamons que Dieu s’est fait nourriture et boisson, qu’Il nous donne déjà en notre cœur les arrhes de la vie éternelle.