Ce dimanche des Rameaux nous introduit dans la Semaine Sainte. Nous entrons dans le cœur du mystère rédempteur de Jésus. Les rameaux, c’est une célébration liturgique contrastée. Par l’acclamation de la foule accueillant Jésus comme le Messie, est proclamée comme par anticipation la victoire du Christ. A la suite, sans transition, nous entrons dans le récit de sa Passion. L’ère messianique est là mais elle doit passer par la mort du Christ. Nous aussi, nous passerons par la mort. Notre propre mort, notre mort physique est incontournable mais en Christ, elle n’a pas le dernier mot. Ce que nous croyons, c’est, qu’à la suite du Christ, nous pouvons entrer dans la victoire du Christ sur la mort. Victoire et mort s’entrechoquent. Christ en est victorieux.

Comment dire, lors de cette acclamation cette victoire anticipée sur la mort ? Pour le dire, plusieurs symboles. Dans l’Ancien Testament le prophète Zacharie avait prophétisé que le Messie viendrait sur le dos d’une ânesse. Et c’est bien comme cela que Jésus entre dans la ville. Le choix de cet animal n’est pas anodin. Du temps de Jésus, un roi qui venait en guerre entrait dans une ville à cheval, mais s’il venait en paix, il venait, monté sur un âne. Jésus est le prince de la paix. Il ne vient pas pour prendre la tête de la rébellion contre l’occupation romaine, mais pour délivrer les hommes de l’esclavage de Satan, du péché et de la mort. Jésus vient pour réconcilier l’homme avec Dieu. Les branches de palmier, que nous reprenons dans les célébrations liturgiques dans nos églises, étaient quant à elles un symbole de victoire. C’était ce qu’on utilisait pour acclamer un général victorieux. En laissant faire l’acclamation des Rameaux, Jésus annonce sa victoire, dès le début. Dieu ne peut pas laisser le mal triompher définitivement. Mais pourquoi cette victoire devait-elle nécessairement passer par la croix ? Ce sacrifice oblatif de l’Amour n’est souvent pas compris, souvent peu accueilli. C’est ce que crient certains mystiques qui souffrent dans leur propre chair du non-accueil de l’Amour. « L’amour n’est pas aimé » disent-ils. L’Amour du Christ est puissant, guérissant, libérateur, et cela jusqu’au plus profond abîme de la détresse Dieu est sans idée du mal. Dans la plongée du Christ dans la détresse, Dieu se fait tout proche des malheureux. C’est la Passion qui opère ce bouleversement en Dieu dans l’écartèlement de la chair du Christ exposé sur la croix. Le centurion, au pied de la croix, dans une intuition fulgurante, saisit ce bouleversement. Il s’écriera, en voyant mourir Jésus : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ». (Mc 15 39) Dans le souffle de Jésus qui expire, l’Amour est allé jusqu’à l’extrême. Heureux ceux qui accueillent cet amour livré dans ce dernier souffle, le souffle du Sauveur, exhalant la Vie dans le paroxysme de la souffrance innocente! Heureux ceux qui osent se laisser regarder par le Christ, « l’abîme de la miséricorde rejoignant l’abîme de toute détresse ! » Le Christ sur la croix est plongé dans toutes les forces de mort, pas seulement comme un symbole émouvant de la compassion de Dieu, mais comme un engagement réel dans la souffrance de chaque être humain, hommes, femmes, enfants de tous les temps. La réponse du Père au scandale du mal, on la découvre petit à petit dans la réponse du Fils sur la Croix. Nous sommes appelés à voir la croix comme signe de l’Amour car seul l’Amour a pu permettre au Christ de la porter. Seul, l’Amour pour le Père, l’Amour pour nous, porté jusqu’en son incandescence, poussé jusqu’aux extrêmes, descendant jusqu’aux enfers, peut justifier le scandale de la Croix. A l’Amour du Fils, répond l’amour du Père qui détruit et anéantit toutes forces de mort par la résurrection. De la Résurrection, nous en vivons déjà, telle des semences de Vie dans nos « aujourd’hui », mais c’est de nuit, dans l’attente de son accomplissement. 

Dieu est du côté des innocents. Sauve-il tous les innocents? Comment sauvent-ils tous les innocents tués en Ukraine par l’armée Russe ?

Comme c’est difficile de comprendre comment Dieu sauve ! Christ est la clef pour comprendre comment Dieu sauve. Encore faut-il l’accueillir !

« Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. » De quelle lumière s‘agit-il ? C’est la lumière au Mont Thabor qui a rayonné de Jésus transfiguré, la lumière qui rayonne de Jésus transfiguré révèlant sa divinité. Quelle est la nature de cette lumière ?  C’est le symbole de ce qu’Il partage avec le Père. La Transfiguration nous révèle l’Amour entre Jésus et son Père. Cette lumière qui resplendit de Jésus est sacrement de l’Amour qui les unis. Elle est elle-même indescriptible car elle éveille à une réalité d’une intensité inouïe. Cette qualité d’Amour est offerte à tous les hommes par l’Incarnation du Verbe qui vient déposer à l’intérieur de chaque vie humaine la semence d’une telle relation. C’est ce que refusent les pharisiens. En fait ce qu’ils ne peuvent concevoir, c’est l’abaissement du Verbe dans son Incarnation.  La lumière dont parle Jésus est enfouie dans l’humanité du Christ qui s’est fait chair.« Le Christ Jésus de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu…il s’est abaissé. » Pourquoi s’est-il abaissé ? Pour nous rejoindre dans la réalité de ce que nous sommes, des êtres faits pour la lumière et confrontés à nos ténèbres…

Le Christ accepte pleinement par amour de vivre l’absurdité de la souffrance pour lui donner un sens. Comment peut-on donner un sens à la souffrance ? Seul Le divin peut le faire. 

Dieu, sans complicité avec le mal, assume l’absurdité de la souffrance au cœur même de la pâte humaine et lui donne son sens, l’Amour. Les fruits de ce don de soi jusqu’au paroxysme de l’Amour, c’est la résurrection. Pour nous donner de partager sa vie filiale, Jésus va assumer toutes les ténèbres de notre humanité ; péchés, blessures, souffrances … Dans la lumière dans laquelle il vit dans la communion avec son Père, il sait combien nous avons bien du mal à accueillir cette énergie d’amour qui ne demande qu’à nous traverser et nous emnener au-delà de nous-même. Cette lumière, le Christ va aller la déposer au cœur des ténèbres par sa Passion et sa Croix. Nous sommes invités à déposer sans cesse nos péchés, nos ténèbres, nos blessures dans le Christ. En échange, nous recevons une capacité nouvelle d’accueillir la lumière de la communion avec le Père dans l’Esprit saint. Ce que vit Jésus avec son Père et qui nous est révélé dans la lumière du Thabor, nous le recevons en quelque sorte au Calvaire ; lorsque nous remettons dans le cœur transpercé de Jésus toutes nos ténèbres, les nôtres et celles des autres, nous sommes enfants de lumière même si cela ne semble pas évident pour nous. Nous recevons dans notre cœur profond la communion avec le Père, cette communion manifestée en notre faveur dans la Résurrection de Jésus.