Luc raconte. Il est l’évangéliste qui met le plus l’accent sur l’action de l’Esprit Saint. Lors de l’annonciation à Marie, l’ange donne à l’Esprit Saint toute sa place : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu » Puis il donne à Marie un signe. Sa vieille cousine Élisabeth est enceinte et elle en est à son sixième mois.  L’Esprit Saint est à l’œuvre et l’improbable se réalise!  Des naissances extraordinaires : un enfant qui naît d’une Vierge, un autre enfant qui naît d’une vieille femme. L’inconcevable nous surprend, nous prend à contre-pied. Dès le début de l’évangile de Luc, sous l’action de l’Esprit Saint, tout se précipite. Luc choisit avec soin ses mots pour décrire cette accélération du temps. Nous ne sommes plus dans le chronos mais dans le kairos.  Chronos, c’est le temps qui passe. Kairos que l’on traduit souvent par temps favorable, c’est l’irruption de l’Éternité au cœur du temps. Après l’annonce de l’Ange Gabriel, Marie se leva, écrit Luc : le mot grec pour se leva, est celui utilisé pour la résurrection. En Marie, se vivent des semences de résurrection. Luc précise : « Marie se rend avec empressement ». Quelle urgence derrière cette hâte ? Aucune urgence, juste l’action de l’Esprit saint qui presse Marie à faire cette visite à Élisabeth. Dans le kairos, sous l’action de l’Esprit Saint, une des marques de l’action de l’Esprit Saint, c’est qu’il nous surprend. Était-ce prévisible que le mot de salutation de Marie, déclenche une incroyable réaction en chaîne ? Le mot de salutation de Marie, le shalom de Marie va bouleverser l’ordre normal des choses. L’enfant en Élisabeth va tressaillir. Élisabeth va prophétiser d’une voix forte sous l’action de l’Esprit saint. Marie sous l’action de l’Esprit saint va proclamer son Magnificat. Les deux futures mamans vont exprimer une allégresse qui dépasse de beaucoup la joie humaine de porter et de donner la vie. Par Marie, l’Esprit Saint se communique. Marie est la grande communicante. Elle transmet la joie de l’Esprit Saint. Déjà, au début du magnificat, tout est dit:

« Mon âme exalte le Seigneur

Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ». Deux mentions, dès les premières lignes du Magnificat : l’âme et l’esprit de Marie.

L’âme de désir de Marie, toute tournée vers la grandeur de Dieu est comme aspirée vers la Transcendance. Son âme, c’est sa personnalité, son intelligence, son affectivité et sa volonté, en fait toutes ses capacités humaines. Âme est pratiquement équivalent au mot cœur, dans le sens biblique du terme. L’esprit est une partie spécifique de l’âme, de la psyché dirons-nous maintenant. Par l’esprit, tout homme peut communiquer avec Dieu, en fait l’esprit est ce que St Paul appelle l’homme intérieur, sa partie spirituelle. L’esprit de Marie est dans la joie. Ce dernier, par son intuition a été plus rapide que son intelligence pour réagir à l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Ce que nous contemplons dans l’Assomption, c’est Marie dont l’esprit s’est tellement laissé travailler par l’Esprit Saint que tout son être jusque dans son corps a été assumé par Dieu.

Nous sommes, nous aussi, appelés à ouvrir notre esprit à l’Esprit Saint. Dans notre monde si peu spirituel, il est difficile de comprendre l’importance de faire grandir en nous l’homme intérieur, de miser sur cette capacité que nous avons de rencontrer Dieu dans ce lieu spécifique de notre âme. Nous sommes capables de Dieu, capables de le rencontrer par notre esprit, lieu de la prière, de la foi, de l’espérance et de la charité, au sens de l’Amour qui dépasse tous nos capacités à aimer. L’Assomption c’est la gloire de Dieu qui se communique à l’humanité. Ce n’est pas facile le mot gloire.  La gloire de Dieu c’est le rayonnement de son amour. Amour libérateur, guérissant les blessures de notre humanité.  Un exemple parmi tant d’autres. Il y a maintenant plus d’un an, j’ai co-animé avec un autre prêtre et deux psychologues spécialistes du corps une session pour les femmes abusées enfants. Onze femmes de tous âges y participaient. La plus jeune avait 18 ans. Lors de la soirée de présentation, tout son corps parlait : une colère immense l’habitait. Aussi grande que la colère : sa peur. Elle était enfermée dans cette colère et cette peur. Pour se protéger, elle était devenue une championne en art martial. A la fin de la session, pendant la messe, chacune a pris la parole pour rendre grâce. Je rapporte ses paroles : « Je suis venue avec des pieds de plomb. J’ai décidé de m’inscrire car j’ai fait confiance à ma coach, ici présente. Pour moi, Dieu, c’était un concept un peu vague. Maintenant je peux dire que je l’ai rencontré, j’ai ouvert mon cœur et accueilli sa tendresse. Par Marie, j’ai reçu la tendresse de Dieu» Elle avait laissé sa cuirasse. Nous n’avions plus affaire à une guerrière mais à une jeune fille de 18 ans. Un long chemin reste affaire mais elle n’est plus seule. Sa foi est basée maintenant sur l’expérience de l’amour libérateur et guérissant de Dieu. Marie a été très présente dans ce chemin de guérison.  Ne nous privons pas de la tendresse mariale dans notre foi. L’Assomption de Marie est l’occasion pour nous de nous replonger dans cette tendresse. L’Assomption de Marie n’est pas un privilège pour elle, dans le sens où ce ne serait que pour elle. L’expérience de l’Assomption de Marie est un don aussi pour nous. La nature de ce don est de se communiquer à d’autres. Marie est la première en chemin comme chef de cordée. Elle nous accompagne et nous guide, nous qui avons à traverser les ravins de la mort. Marie est mère. Cette vie en Dieu, cette vie plus forte que la mort, elle nous l’enseigne comme une mère peut l’enseigner à ses enfants pour que nous même nous l’enseignons à notre tour. Elle nous l’enseigne comme une réalité à venir mais aussi réalité déjà présente dans notre vie, ici et maintenant. Marie communique en fait son assomption, c’est à dire sa vie, sa tendresse, son amour pleinement assumé en Dieu. Comment accueillir dans nos vies cette Assomption ? Comme Élisabeth, sa cousine, en accueillant Marie chez nous, dans notre propre vie, comme Jean, au pied de la Croix, en accueillant Marie comme mère. Notre vie spirituelle a besoin de la tendresse maternelle de Marie. Pourquoi ? Parce que Marie ne cesse d’enfanter en nous le Verbe, son Fils. Entrer dans l’expérience de Marie, c’est laisser Dieu assumer en nous ce qu’Il a assumé en Marie, c’est le laisser nous conduire au-delà de notre compréhension, c’est comprendre qu’il nous précède sur notre chemin, c’est accueillir les semences de Résurrection, c’est ne pas perdre de vue la finalité, le sens de nos vies qu’est la Résurrection, notre résurrection. Comme Marie, corps, âme, esprit, nous serons assumés dans la gloire de Dieu, dans sa lumière, dans sa paix, dans sa joie.

Bmg