Ce récit a été une source d’inspiration pour les artistes. Qu’il s’agisse des peintres mais aussi des musiciens. Des rois-mages ? Dans le texte de Mathieu, simplement des mages. Mais alors pourquoi avoir imaginé trois rois de toutes races, trois rois-mages, l’un blanc, l’autre noir et le dernier jaune ? C’est une manière imagée de dire que Dieu est venu pour tous. Le jour de l’Épiphanie du Seigneur dit l’universalité du salut. C’est une invitation pour chacun d’entre nous à nous ouvrir à d’autres cultures, langues, peuples et nations. Il n’est plus possible de rester dans l’entre soi, bien au chaud dans notre confort. Le Christ est venu pour tous les hommes du monde entier. Ce que Mathieu nous donne à contempler, c’est l’itinéraire spirituel des mages. Trois étapes pour ces mages dans leur cheminement. Tout d’abord, leur quête spirituelle qui les mettra en marche, en route vers la réponse à leur désir de sens, de vérité. Ensuite, leur cheminement proprement dit, un long chemin semé d’embûches. Pour finir, l’aboutissement de leur quête, l’adoration véritable que Mathieu nous raconte dans cette prosternation devant l’enfant Dieu ainsi que leur offrande de l’or, l’encens et la myrrhe. En retour, ils ont été gratifiés de présents par Dieu lors de leur venue à Bethléem.
Ce qu’ils ont donné, c’est ce qu’ils ont reçu. Or, encens et myrrhe correspondent à « trois dons précieux », selon le pape François : le « don de l’appel », le « discernement » et la « surprise ». « Le premier est le don de l’appel », a expliqué le Pape. En effet, les mages n’avaient pas pressenti la venue de Jésus « en lisant les Écritures ou en ayant une vision d’anges, mais en étudiant les étoiles ». « Cela nous dit quelque chose d’important, poursuit François, Dieu nous appelle à travers nos plus grandes aspirations et nos plus grands désirs ». « Instruits et sages, ils étaient davantage fascinés par ce qu’ils ne savaient pas que par ce qu’ils savaient », a-t-il salué, avant d’inviter chacun à sortir de ses « zones de confort » pour chercher Dieu. Leur quête spirituelle va les mettre en marche. Ces mages sont des chercheurs, aux regards attentifs qui scrutent le ciel et les étoiles. Leur démarche n’est pas uniquement scientifique au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Il ne s ‘agit pas simplement d’expliquer le fonctionnement de l’univers mais le sens de la création. En fait quelle sont la cause et la finalité de la création ? La réponse ne peut se contenter d’être uniquement rationnelle. Elle passe par l’expérience intérieure.
C’est dans l’intériorité que Dieu répond à notre désir de sens. Le cheminement des mages est donc expérience intérieure à un désir de sens. L’étoile les appelle à cette expérience et c’est elle qu’ils suivront aveuglément. Ils ne partent pas les mains vides. Ils se chargent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. En fait, ils partent non pour une réponse abstraite mais pour rencontrer quelqu’un à qui ils veulent offrir toutes leurs richesses. Sur la route de leur cheminement spirituel, n’oublions pas leur confrontation au mal. Ils vont alors passer par un chemin semé d’embûches. Quelles embûches ? Embûches de la route certes mais surtout confrontation au mal. A Jérusalem, l’étoile les a quittés et ils doivent s’appuyer sur les habitants de la ville. On les imagine posant des questions dans les auberges. Très vite, l’information remonte aux oreilles d’Hérode, jaloux de son pouvoir, à tel point qu’il a fait mettre à mort ses fils, sa femme, ses beaux-frères et bien d’autres encore. Hérode représente un énorme danger pour l’enfant. En se renseignant auprès des mages de la date de l’apparition de l’étoile, Hérode projette déjà comment il va se débarrasser de cet éventuel rival. Déjà le mystère du mal se dresse contre le dessein bienveillant de l’amour de Dieu pour l’humanité. L’étoile et leur motion intérieure a mis les mages en route mais là plus d’étoile. Comment retrouver le chemin, comment savoir où aller ? Mathieu proclame dans son récit la place centrale de l’Écriture dans tout chemin spirituel.
La révélation faite à Israël est incontournable. C’est le prophète Michée qui les remettra en route. L’étoile, symbole des nombreux signes adressé par Dieu à tout homme et de tout temps n’aboutit pas à l’adoration véritable. Il faut nécessairement la révélation faite à Israël. Adorer en esprit et en vérité l’enfant Dieu est l’aboutissement de la révélation faite à Israël. Ces mages qui ne s’attendaient à rien et s’attendaient à tout n’ont pas été déroutés par celui qu’ils découvrent comme aboutissement de leur quête spirituelle, un nourrisson vulnérable emmailloté dans une mangeoire. C’est à lui qu’ils offrent l’or, l’encens et la myrrhe : or parce qu’il est roi, encens parce qu’il est Dieu, myrrhe parce qu’il est homme appelé à passer par la mort. La réponse au scandale de la mort des enfants de Bethléem, c’est la victoire de la résurrection. Cet enfant avait été mis en réserve en Égypte mais il aura à affronter plus tard dans sa chair le scandale du mal. Le Ciel est venu sur la terre, c ‘est ce que nous fêtons en ce temps de Noël. Les textes qui nous sont proposés disent la joie d’accueillir notre salut, c’est à dire l’intimité avec Dieu mais déjà est amorcée la manière dont Dieu nous sauve.
Déjà est posé la question du scandale du mal dans le récit du massacre des innocents de Bethléem. Déjà la croix se profile à l’horizon comme réponse de Dieu au mal. Le Ciel est venu en notre terre ensanglantée du sang des innocents. La Lumière dans nos ténèbres, c’est cette étoile qui déjà désigne l’enfant comme Celui qui vaincra le mal. Il est déjà la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine, il est la Résurrection, réponse au scandale du mal. Le cœur des mages est ouvert et ce qu’ils contemplent en cet enfant est l’aboutissement de leur quête intérieure. Mais le cadeau que Dieu attend, c’est le merveilleux cadeau des bras de Marie et Joseph mais aussi notre pauvre amour qui cherche le sens et la finalité de notre vie.
J’ai travaillé en prison psychiatrique. La rotonde est un endroit idéal pour faire des rencontres. Devant les portes fermées de la rotonde, c’était l’occasion pour moi d’entrer en relation avec des détenus qui, comme moi, attendaient que le gardien ouvre la grille. J’engage la conversation avec un détenu condamné à perpétuité. Il me dit qu’il était tueur à gages et qu’il croit en Dieu. Peut-être un bon larron qui cherche comme les mages à comprendre le sens de sa vie ? Je lui propose un rendez-vous. Il me répond : « inutile, Dieu m’a déjà mis en enfer ». Où est la quête spirituelle ? Où est le chemin semé d’embûche, tel celui des mages ? Cet homme qui croit que Dieu l’a mis en enfer a peur et l’obstacle qu’il met entre Dieu et lui, c’est lui-même. Comme Hérode, il a peur, peur d’un regard qui n’est pas celui de Dieu. Qu’est-ce que ça fait du bien de contempler Dieu en cet enfant couché dans une mangeoire !
L’accueil tendre de Marie et Joseph est la réponse que Dieu attend de l’homme. Ce qu’Il attend, c’est qu’on accueille son Amour. La puissance de Dieu se révèle comme amour capable de mendier à l’homme ses bras, de mendier notre pauvre accueil, l’accueil de sa divinité qui se fait divine simplicité. Nous sommes invités à accueillir cette divine simplicité dans l’humble pain et vin consacrés : corps et sang du Christ livrés pour nous. Accueillons-le avec simplicité, humilité et foi. Veillons sur notre cœur. Qu’il ne s’endurcisse pas. Qu’il puisse se laisser aimer et aimer contre vent et marées. Qu’il puisse adorer et accueillir humblement la simplicité de Dieu qui se donne dans l’Eucharistie. Le Ciel sur la terre et la terre dans le Ciel, un homme en Dieu et Dieu en l’homme, voilà ce qu’est cet enfant. Mais plus que cela, il est la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine, il est la Résurrection, réponse au scandale du mal. C’est ce que nous adorons et vivons en chaque Eucharistie et d’une façon particulière en ce temps liturgique de l’Épiphanie.
bmg