La Paraboles des dix jeunes filles se déroule lors d’un événement festif, un mariage. Ces dix jeunes filles non seulement sont invitées mais elles sont choisies comme demoiselles d’honneur.
Comment se passaient les mariages à l’époque de Jésus ? Deux espaces doivent être reliés par une procession, celui du marié et celui de la mariée : de sa maison à elle à sa maison à lui. Tout l’après-midi, chez la jeune mariée, on s’active. Les demoiselles d’honneur aident à la préparation de la noce. Tout doit être parfait mais l’on ne sait pas l’heure du départ car c’est l’arrivée du jeune marié qui en donnera le signal et c’est souvent très tard qu’il arrive. C’est donc le temps de l’attente, le temps du désir de sa venue pour que l’on puisse enfin se mettre en route. Être prévoyant c’est penser qu’il faudra éclairer le chemin car la nuit sera probablement tombée. D’où la nécessité de se munir de lampades. C’est le terme pour désigner des torches rudimentaires mais efficaces. On prend un bâton assez long, que l’on entoure de chiffons imbibés d’huile. Ces lampades éclairent le chemin et ne s’éteignent pas s’il y a du vent. Par contre, elles ne durent pas longtemps. Surtout ne pas oublier de les réalimenter grâce à une réserve d’huile.
Première question : pourquoi les vierges sages refusent de partager leur huile ?
Deuxième question : pourquoi la porte se ferme violemment devant les cinq vierges insensées?
Poser ces deux questions et tenter d’y répondre, c’est une manière de répondre à une autre question, celle-là au cœur de la parabole, en fait la question centrale : quelle est cette mystérieuse huile ? C’est comme cela que fonctionne une parabole. Elle pose des questions parfois provocantes pour susciter un déplacement. Vous quittez vos certitudes, intrigué que vous êtes, pour trouver la sagesse que renferme comme un écrin la parabole. C’est ce que l’on appelle la pointe de la parabole.
Les vierges sages et les vierges folles se sont endormies qu’elles soient sensées ou insensées; mais les unes étaient prêtes à chaque instant parce qu’elles avaient une réserve d’huile suffisante pour les lampes, tandis que les autres n’avait pas de quoi, réalimenter leur lampe. Elles n’étaient pas prêtes. Pourquoi les sages refusent de partager ? On peut voir là deux niveaux d’interprétation :
- Dans le contexte du mariage de l’époque, partager l’huile, c’est prendre le risque que tout s’éteigne en même temps et que tous soient dans le noir sur le chemin. Certes plus de lumière au début mais avec le risque d’être plongé dans la nuit avant l’arrivée à bon port.
- Pour les vierges insensées, aller chercher de l’huile chez le marchand n’est pas vraiment la solution. L’huile dont il s’agit ici, ne s’achète pas chez les marchands. L’huile, c’est l’intimité de chaque instant de nos vies avec le Seigneur. C’est la foi, mais c’est aussi la sagesse qu’on obtient de la part du Christ, dans l’intimité avec le Christ. Gratuitement Il vous enseigne et vous donne l’huile de la sagesse. C’est tellement personnel, intime, inaliénable que l’on ne peut le partager : trop intime, trop personnel !
« Veillez donc car vous ne savez ni le jour, ni l’heure » est la conclusion de la parabole. Pourtant les dix vierges se sont toutes endormies. Ce n’est donc pas l’éloge de l’insomnie alors comment comprendre cette invitation à veiller ?
« En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point » que l’on peut interpréter ainsi : « veillez à cette intimité avec moi, ayez de l’huile en abondance ! »
Oui mais comment ? grâce aux trois piliers de la vie chrétienne : prière, communauté et mission.
Ce qui est premier, c’est la prière, c’est le cœur à cœur avec le Seigneur.
Saint Jean de Matha allant à Cerfroid et non à Marseille est parti vers le Nord et non vers la Méditerranée. Il est allé visiter un ermite dans les bois de Montigny. En premier, il a mis l’accent sur la contemplation avant l’action. Il a pris conseil auprès d’un ermite pour mettre l’accent sur la vie intérieure dans la forme de vie religieuse qu’il voulait mettre en place.
Puis Saint Jean de Matha a constitué une première communauté avant de lancer les expéditions de rachat. Ce n’est pas pour rien que dans la parabole existe une communauté dont celles des cinq sensées, celle qui ont en réserve l’huile de la prière et de la communauté, celles qui ont fait des réserves de ce double amour qui n’en est qu’un, l’amour de Dieu et l’amour fraternel.
Deuxième enseignement, cette huile est un trésor qu’il ne faut surtout pas enfermer. On ne thésaurise pas la sagesse. Elle a pour fonction de rayonner, de se donner, d’être communication pour l’autre. Pas de repliement sur soi. On n’enferme pas la sagesse dans le coffre-fort de son ego.
Le texte du jésuite Maxime Gimenez est un soi très précieux pour s’ouvrir non seulement à la rencontre de l’amour de Dieu dans la profondeur de son être mais dans l’ouverture et non dans la réduction à soi autour de son moi souvent douloureux.
Lorsque l’on parle d’intériorité, on songe spontanément à cette sorte de repli introspectif sur soi que suggère le mouvement d’intériorisation ; mais si la « plongée » ne s’effectue que dans un sens, à savoir dans la profondeur de sa propre subjectivité, on est encore bien éloigné de l’intériorité authentique. L’intériorité n’est pas un état d’esprit mais un mouvement de l’esprit, elle est infiniment plus proche de la compassion que de l’introversion.
Plongée en soi certes mais ouverture à l’autre.
Le mouvement de l’intériorité consiste, précisément, à se rendre proche de ce qui « est », il consiste à se tenir dans la proximité de ce qui « est », tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de soi. S’opère alors la réconciliation permanente entre l’intérieur et l’extérieur de toute réalité. Loin d’être un repli sur soi, l’intériorité est une attitude de non distance vis-à-vis des êtres et de soi-même, par la vertu d’une ouverture totale du cœur. Maxime Gimenez
Forts de cette prise de conscience, nous pouvons vivre l’Eucharistie comme le lieu privilégié où s’opère cette mystérieuse alchimie entre vie profonde et ouverture vers les autres. Le Fils s’offre au Père et nous offre au Père dans cette mystérieuse énergie de l’amour universel.