Je vous invite à nous rappeler le sens de ce qu’est l’Avent. Peut-être, vais-je enfoncer une porte ouverte en remarquant que l’Avent s’écrit avec un « e » et non avec un « a ».  Le mot Avent vient du mot latin « adventus » qui veut dire « avènement ». Pendant ce cycle liturgique, nous nous préparons à célébrer un avènement, une venue, au plutôt plusieurs venues. 

Il est venu, il ne cesse de venir dans nos vies, il viendra dans la Gloire.

« Il est venu». C’est ce que nous fêtons à Noël. Nous faisons mémoire de l’Incarnation du Verbe en Marie. Dieu s’est fait enfant. L’Avent nous prépare à faire mémoire de cet avènement. 

L’Avent, c’est une invitation à entrer dans un chemin d’humilité pour retrouver à Noël un cœur d’enfant capable d’éblouissement devant l’Incarnation du Verbe, devant l’enfant-Dieu tellement vulnérable qu’Il en est désarmant et qu’il peut nous délivrer de notre superbe si nous le voulons. Oui, il peut nous apprendre qu’il existe une vulnérabilité d’accueil, une capacité d’éblouissement susceptible de nous faire découvrir la tendresse de Dieu. 

« Il vient »

« Ce n’est certes plus l’Enfant Jésus qui chaque 25 décembre, renaît dans la crèche ; c’est le Messie, mort et ressuscité qui, dans le sacrement de la fête de la Nativité, se rend présent au cœur des croyants dans son mystère de Dieu fait homme. A proprement parler, Jésus ne naît plus parmi nous ; il renaît en nous, plutôt, en cette crèche vivante qu’est notre cœur aimant »

De la crèche avec ces santons à la crèche de notre cœur, quel passage ! vivre à l’intérieur ce que nous contemplant à l’extérieur est un travail d’intériorisation qui nous permet de vivre dans une profonde intimité avec l’Enfant-Dieu qui se rend présent, si proche qu’il devient « plus intime à nous-même que nous-même », comme le dit Saint Augustin. Désirons-nous cela pour Noël qui vient.

« Il viendra »

Jésus annonce un évènement: sa venue lors de laquelle il récapitulera toutes choses et assumera en Lui toute l’histoire de toute l’humanité. 

L’annonce de la venue de Jésus en gloire s’accompagnera de signes d’ébranlement du monde et même dans le texte de ce dimanche des signes d’ébranlement du Ciel. Ce bouleversement est le signe d’un changement, d’une rupture avec l’histoire. Un passage, une Pâque se prépare.

Le genre apocalyptique utilise des symboles pour soulever le voile et révéler par des images provocantes comment le dessein bienveillant de Dieu s’inscrit déjà maintenant dans l’histoire des hommes confrontés au mal et combien plus quand il viendra dans la gloire. 

Passage du « Il est venu » à « il vient »

 La première venue du Christ s’est faite dans l’humilité. Le Verbe s’est fait chair et Il a épousé notre humanité jusqu’en nos blessures, jusque dans ce qui blesse notre humanité : à savoir le désordre établi au cœur de l’humanité par sa cupidité et son irresponsabilité. Si Christ nous faisait le même discours aujourd’hui, il nous parlerait sans doute des guerres engendrées par la soif du pouvoir ou des richesses, sans compter l’oppression et la souffrance dues aux disparités entre les privilégiés et les exclus dans toutes les sociétés, y compris les mieux nanties. Il dénoncerait le gaspillage insensé qui pollue notre petite planète bleue pour des profits à (très) courte vue.

L’Amour de Dieu révélé en Jésus-Christ change notre regard et nous incite à fonder notre vie sur le Verbe de Dieu qui est le fondement de tout. Il est une Parole vivante mais pas seulement, Il est aussi un visage que nous pouvons voir: Jésus de Nazareth.

Cette vision de l’adorable visage du Christ est un chemin de liberté. Déjà maintenant nous pouvons plonger notre regard dans le sien. Pas de vie sans souffrance. Christ a traversé la souffrance et notre souffrance n’est plus l’ennemie de notre liberté. Certes, nous luttons pour en être libre. Mais nous luttons, non pas contre mais avec cette souffrance qui nous habite et dont nous ne voulons pas être l’otage. Grâce au Christ qui a visité la contingence de notre humanité blessée, notre terre intérieure est appelée à devenir œuvre d’art. Alors nous comprenons que nous sommes infiniment plus que tout ce que nous pouvons imaginer, que tout ce que nous pouvons appréhender.

Du « Il est venu », « il vient », à « il viendra dans la gloire »

L’Evangile voulant dire « Bonne nouvelle », il nous faut faire un acte de foi. Non Jésus ne cherche pas à nous faire peur. Jésus nous oriente vers sa victoire. Bien sûr un bouleversement est nécessaire. C’est un véritable accouchement. Il nous faut accoucher de la victoire du Christ, celle qu’il a remportée dans sa Passion et sa résurrection. C’était il y a plus de 2000 ans. Ce qui a été accompli par le Christ dans son Incarnation, sa Passion et sa Résurrection a valeur d’Éternité. Le passé rejoint notre présent et cependant comme dit Maurice Zundel « nous sommes des êtres qui venons de l’avenir pour habiter le présent ». C’est pourquoi nous sommes orientés, tourné vers l’avenir, en attente de sa venue dans la gloire. Quelle superbe motivation pour entendre l’invitation du Seigneur à veiller ! « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse. »Se tenir sur ses gardes ?  À quoi faut-il veillez ? A toutes les formes de désordre dans la vie privée (égocentrisme, individualisme, avidité, cupidité). Veillez au trésor de notre cœur profond, non seulement dans la vie de prière mais aussi dans le désir de cette rencontre plénière avec lui dans les derniers temps. Veillez, c’est être en attente d’un événement qui fera toutes choses nouvelles à partir de ce nous aurons posé comme actes d’amour. « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’aurez fait. » A partir aussi de nos actes de foi. Posons un acte de foi. Christ ne nous menace pas mais nous conseille pour grandir humainement et spirituellement. Comment faire pour entendre là un évangile, au vrai sens du terme, c’est-à-dire une Bonne Nouvelle ? La confiance : quand Jésus nous dit quelque chose, c’est toujours pour nous révéler le dessein bienveillant de Dieu, ce ne peut pas être pour nous effrayer. N’ayez pas peur certes mais veillez, c’est-à-dire soyez prêts quand le grand filet sera à l’œuvre lors du jugement. C’est la parabole du grand filet qui ramasse des bons et des méchants, donc des bons poissons et des mauvais poissons. « Le Royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer et ramassant des poissons de toutes espèces. Quand il est rempli, les pêcheurs le tirent; et, après s’être assis sur le rivage, ils mettent dans des vases ce qui est bon, et ils jettent ce qui est mauvais. Il en sera de même à la fin du monde ( Mt 13, 47-49).

Ça, ce sont les injustices, les péchés et les scandales tout au long de l’histoire. Mais il va être tiré sur le rivage, et on va faire le tri. Comme pour le moissonneur, ceux qui feront le tri, ce seront les anges. C’est dans cette vision eschatologique, que nous installons nos vies dans une tension vertueuse qui nous donne sens et finalité, le Christ lui-même dans la gloire.

Père Bernard-Marie Geffroy