Je cite Benoît XVI : « La réalité humaine, créée par le Verbe, trouve vraiment son plein accomplissement dans la foi obéissante de Marie. De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu. Elle est l’Immaculée Conception, celle qui est «pleine de la grâce» de Dieu (cf. Lc 1, 28), docile à la Parole divine de façon inconditionnelle (cf. Lc 1, 38). … Elle garde dans son cœur les événements de la vie de son Fils, en les ordonnant en une seule mosaïque (cf. Lc 2, 19.51). Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie. »

Après l’annonce de l’ange, Marie pose une question non sur le fond du message mais sur sa modalité. « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ?» Marie a été bousculée par la Parole angélique. Cependant, Marie ne doute pas de la Parole que Dieu lui adresse par le message de l’ange mais elle hésite, à propos du mode de la naissance du Verbe en elle. La réponse de l’ange, c’est l’annonce du don de l’Esprit Saint en elle. Oui rien n’est impossible à Dieu. La réponse angélique est éclairante : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu ». C’est comme s’il lui disait: « Ne considère pas l’ordre de la nature et ne recherche pas le sens littéral de cette merveille que je t’annonce, l’Esprit Saint viendra sur toi »…-

Luc est l’évangéliste qui met le plus l’accent sur l’action de l’Esprit Saint. Lors de l’annonciation à Marie, l’ange donne à l’Esprit Saint toute sa place : Puis il donne à Marie un signe. Sa vieille cousine Élisabeth est enceinte et elle en est à son sixième mois. L’Esprit Saint est à l’œuvre et l’improbable se réalise!  Des naissances extraordinaires : un enfant qui naît d’une Vierge, un autre enfant qui naît d’une vieille femme. L’inconcevable nous surprend, nous prend à contre-pied. Dès le début de l’évangile de Luc, sous l’action de l’Esprit Saint, tout se précipite. Luc choisit avec soin ses mots pour décrire cette accélération du temps. C’est l’irruption de l’Éternité au cœur du temps. La puissance de l’Esprit livrée en Marie est livrée dans le cœur d’Élisabeth. Ce qui accompagne ce don, c’est la joie. Le mot de salutation de Marie, le shalom de Marie va bouleverser l’ordre normal des choses. L’enfant en Élisabeth va tressaillir. Élisabeth va prophétiser d’une voix forte sous l’action de l’Esprit saint. Marie sous l’action de l’Esprit saint va proclamer son Magnificat. Les deux futures mamans vont exprimer une allégresse qui dépasse de beaucoup la joie humaine de porter et de donner la vie. Par Marie, l’Esprit Saint se communique. Marie est la grande communicante. Elle transmet la joie de l’Esprit Saint. Déjà, au début du magnificat, tout est dit: « Mon âme exalte le Seigneur Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ». Deux mentions, dès les premières lignes du Magnificat : l’âme et l’esprit de Marie.

L’âme de désir de Marie, toute tournée vers la grandeur de Dieu est comme aspirée vers la Transcendance. Son âme, c’est sa personnalité, son intelligence, son affectivité et sa volonté, en fait toutes ses capacités humaines. Âme est pratiquement équivalent au mot cœur, dans le sens biblique du terme. L’esprit est une partie spécifique de l’âme, de la psyché dirons-nous maintenant. Par l’esprit, tout homme peut communiquer avec Dieu, en fait l’esprit est ce que St Paul appelle l’homme intérieur, sa partie spirituelle. L’esprit de Marie est dans la joie. Ce dernier, par son intuition a été plus rapide que son intelligence pour réagir à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Quelle est la nature de la joie de Marie ? Elle peut être sensible. Mais elle n’est pas dépendante de la sensibilité psychologique. Elle est exultation en l’esprit de Marie. C’est dire que cette joie ne peut lui être enlevée. Au pied de la Croix, Marie sera dans un abîme de détresse mais elle est debout. Au-delà de sa détresse, la joie inaliénable de Marie sera dans la nuit mais elle est toujours en elle et sera livrée dans l’angoisse humaine en lien avec l’œuvre de Rédemption de son Fils sur la Croix.

Le récit de l’Annonciation se termine sur ces mots de Marie: « qu’il me soit fait selon ta parole ». Quand nous disons dans le Notre Père : « que ton règne vienne », c’est le verbe genomai à l’impératif qui est utilisé. C’est le même verbe qu’utilise Marie mais à l’optative. (Le mode du souhait. Il correspond, de manière générale, au mode conditionnel de la langue française). Marie invite le Seigneur, s’il le désire, à entrer au cœur de sa vie et à laisser l’Esprit Saint faire grandir en elle le mystère annoncé par l’ange. « Si tu le désires, alors que ton projet prenne naissance en moi et qu’il grandisse ». C’est à partir de ce moment que l’Esprit saint va œuvrer intensément , en elle et au-delà d’elle. D’abord travail intérieur d’enfantement en Marie qui accueille le Verbe dans son cœur puis dans son corps par son total consentement : accueil plénier d’un amour parfait. Notre vie spirituelle a besoin de la tendresse maternelle de Marie. Pourquoi ? Parce que Marie ne cesse d’enfanter en nous le Verbe, son Fils.

Entrons dans l’intimité de Marie qui nous donne en son Fils les prémices de l’amour de Dieu, cet amour d’où nous venons, cet amour dont nous sommes pétris, cet amour qui nous conduit, nous protège même si c’est de nuit, cet amour vers lequel nous allons et qui nous donnera toute la joie et le bonheur que nous sommes capables d’accueillir quand nous le verrons face à face.

Déjà, nous est donné cet amour dans l’Eucharistie. Accueillons-le parfois dans l’évidence de la foi et parfois dans l’obscurité d’une foi qui se cherche . Justement n’est-ce pas dans la quête de la lumière au creux de l’obscurité de la foi dans l’imprévu de Dieu que peut surgir le jaillissement de la vie plus forte que la mort.

Il nous faut à temps et à contre-temps comme Marie dire oui à cette vie plus forte que la mort.