Nous célébrons aujourd’hui la Pentecôte, c’est Le don de l’Esprit aux disciples. Nous sommes 50 jours après Pâques, et les apôtres sont toujours enfermés, entre eux, par peur, à cause des événements qui ont conduit à la mort infâme de Jésus. La tendance naturelle pour eux est donc le repli sur le petit groupe rassurant d’amis. Il faudra la violence de l’Esprit pour briser cette volonté de repli sur soi qui tente ceux qui ont peur. Aujourd’hui l’Esprit se donne à entendre, à voir, à comprendre. Il nous pousse comme un grand vent vers le large et nous libère de la peur. Les portes closes s’ouvrent, le feu dévore, le souffle crée. « Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. » Ce que Luc décrit, c’est d’abord un grand bruit, un vent violent, donc un souffle qui envahit toute la maison, tout le Cénacle où se tenaient les apôtres. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. » Trois signes manifestent la présence de l’Esprit Saint : les langues, le vent et le feu. Que recevons nous à la pentecôte ?
L’Esprit Saint qui descend sur nous, à la pentecôte, illumine notre intelligence et nous faire comprendre la révolution qu’a opéré Jésus-Christ. Le Christ, sur la Croix, a épousé notre humanité blessée. Rien ne pourra détruire ce que le Seigneur a réalisé́ dans sa Passion, sa Résurrection et dans le don de son Esprit Saint. Le texte des Actes des apôtres décrit précisément le don des langues. « Tous les pèlerins de la diaspora comprennent la langue de l’autre. Ce n’est pas que chaque pèlerin devient soudainement polyglotte mais ce qui est décrit c’est que chacun comprend l’autre dans sa propre langue. Si je suis Galiléen, je comprends le juif fervent venu d’Arabie comme s’il parlait araméen or il parle arabe.
Cela peut nous rappeler un autre évènement très symbolique dans la bible, c’est l’épisode de Babel. L’épisode de Babel ? Vous vous souvenez de l’histoire : en la simplifiant beaucoup, on peut la raconter comme une pièce en deux actes : Acte 1, tous les hommes parlaient la même langue : ils avaient le même langage et les mêmes mots. Ils décident d’entreprendre une grande œuvre qui mobilisera toutes leurs énergies : la construction d’une tour immense… Acte 2, Dieu intervient pour mettre le holà̀ : il les disperse à la surface de la terre et brouille leurs langues. Désormais les hommes ne se comprendront plus… Nous nous demandons souvent ce qu’il faut en conclure ?… Si on veut bien ne pas faire de procès d’intention à Dieu, impossible d’imaginer qu’il ait agi pour autre chose que pour notre bonheur… Donc, si Dieu intervient, c’est pour épargner à l’humanité une fausse piste : la piste de la pensée unique, du projet unique ; quelque chose comme « mes petits-enfants, vous recherchez l’unité́, c’est bien ; mais ne vous trompez pas de chemin : l’unité n’est pas dans l’uniformité ! La véritable unité́ de l’amour ne peut se trouver que dans la diversité ».
Le récit de la Pentecôte chez Luc s’inscrit bien dans la ligne de Babel : à Babel, l’humanité apprend la diversité, à la Pentecôte, elle apprend l’unité́ dans la diversité : désormais toutes les nations qui sont sous le ciel entendent proclamer dans leurs diverses langues l’unique message : les merveilles de Dieu. » (Marie-Noëlle Thabut). Pour que notre rêve de communion universelle se réalise, il doit d’abord se vivre en notre vie, d’abord entre nous, sur le terrain de notre vie concrète, amoureuse, familiale, amicale, sociale et professionnelle, sous la mouvance de l’Esprit Saint. Et alors il pourra se propager comme un feu. Le feu, c’est ici le deuxième symbole utilisé par Luc. Ce sont ces flammes qui descendent sur chacun des apôtres. Si tu veux changer le monde, commence par accueillir le feu de l’Esprit Saint. C’est lui qui propagera jusqu’au bout du monde ce feu de l’amour de Dieu. C’est l’expérience des apôtres qui iront jusqu‘aux extrémités de la terre pour proclamer que Dieu veut changer le monde en transformant nos cœurs de pierre en cœur de chair. À la Pentecôte, voilà̀ ce que Dieu met en nos cœurs. Humblement, nous comprenons que notre souffle est trop court et que parfois dans nos vies nous sommes à bout de souffle.
Humblement, nous ouvrons nos pauvres amours à l’amour-souffle qu’est l’amour de Dieu. C’est un vent puissant mais qui nous rejoint notre cœur profond dans un fin silence. Beaucoup d’expressions ont été utilisées pour décrire l’Esprit Saint : Esprit de Vérité , Paraclet, Esprit consolateur, Souffle imprévisible… Toutes ces expressions disent l’action de Dieu comme un Don venu du Ciel. Il est aussi un Don qui travaille en nous et qui transforme notre cœur. Dieu veut changer nos cœurs de pierre en cœur de chair. La fécondité de l’Esprit Saint, c’est qu’il nous apprend à aimer, insufflant sa paix, pas n’importe quelle paix : sa Paix pacifiant notre cœur, chassant la violence qui nous habite, ouvrant notre cœur en y chassant la peur. C’est l’école du « mieux aimer ».
Humblement, nous reconnaissons nos difficultés à aimer. Aimer est un travail difficile car aimer, c’est prendre le risque d’être trahi, aimer, c’est quelque fois tenter de pardonner dans la douleur de la blessure. Aimer, c’est certes vouloir être heureux et rendre l’autre heureux, mais c’est aussi accepter d’être blessé, de ne pas vraiment être à la hauteur. Aimer, c’est à chaque instant, dans le concret de la vie de tous les jours. Aimer, c’est accueillir et donner la joie, c’est aussi prendre le risque de rencontrer des déceptions et des frustrations, aimer, c’est dépasser ensemble les tensions et les conflits, c’est aussi vieillir: joie, peine et fatigue intimement mêlées. Aimer, c’est donner la vie mais c’est aussi traverser la mort.
Aimer c’est compter sur Dieu, vivre dans son souffle. Dieu se manifeste dans la joie et dans la peine: dans la joie pour nous donner le goût d’aimer, dans la peine pour se faire connaître à nous au cœur même de ce qui est tendre en nous, au creux même de notre soif d’aimer et d’être aimés. Sans le vouloir et sans que cela soit toujours de notre faute, nous avons un cœur dur. Nous ne permettons pas à l’amour de Dieu de circuler librement en nous. Nous ne voulons exister que par nous-mêmes, nous ne croyons pas que l’amour de Dieu peut nous emmener au-delà̀ de nous-même. L’amour de Dieu pour nous est souffle. A cet amour-souffle, il nous faut croire, l’accueillir dans nos vies. L’Esprit Saint nous bouscule, nous remet en question, comme si nous avions à aller comme des nomades de commencement en commencement vers un pays qui sans cesse nous échappe. Nous traversons le désert de nos vies, ne perdons pas de vue la Terre promise. Nous ne sommes plus tout à fait dans le désert. La Pentecôte c’est le moment d’accueillir à profusion l’effusion de L’Esprit Saint qui ne demande qu’à jaillir de notre baptême et de notre confirmation. Faisons grandir la présence de Dieu dans nos vies. Vivons sans cesse dans le souffle de l’Amour. Allons sans cesse vers la source qu’est le Christ qui se livre à nous dans les sacrements qu’il a laissé à son Église.