Que voit-on dans les yeux d’une belle personne ? Dans ses yeux, on lit tout son art d’aimer et de se laisser aimer. Avez-vous déjà rencontré des personnes dont l’art est de faire exister l’autre dans la bienveillance, en fait l’art de l’autre ? Vous êtes-vous demandé comment Marie regardait chaque personne qu’elle rencontrait ? Vous êtes-vous demandé comment Marie regardait Joseph son fiancé ? Pour elle, cet art de l’autre va prendre une grande ampleur après l’Annonciation. Qu’est-ce qui permet à Marie de porter jusqu’à l’incandescence son art d’aimer? Son consentement ! Elle consent de tout son être au projet de Dieu. A partir de son « fiat », elle va vivre une expérience inouïe d’ouverture à l’Esprit Saint, l’Esprit Saint qui la prend sous son ombre. Comment Marie regarde Joseph depuis l’Annonciation ? Dans le regard de Marie, Joseph y lit la Puissance de l’Esprit Saint qui a pris Marie sous son ombre. Il y voit aussi l’amour de Marie pour lui. Comment ne pas en être écartelé ? Cependant il prend la décision de la répudier en secret. Joseph ne veut pas épouser Marie pour ne pas s’immiscer dans le projet de Dieu. Il ne veut pas mettre la main sur ce qui appartient à Dieu. Il se retire, s’efface, le cœur déchiré. Joseph sait que c’est Dieu, par la puissance de l’Esprit, l’Esprit vivifiant, source de Vie, qui a engendré un enfant en Marie. Il sait que Dieu est le Père de l’enfant ? Donc Joseph va être juste à l’égard de Dieu, il se retire pour ne pas se mettre à la place de Dieu. Une intervention divine va le rassurer : non tu n’empiètes pas sur le droit de Dieu ; mais c’est bien pour toi que cet enfant a été engendré, donc il est vraiment ton fils, il faut que tu prennes Marie comme épouse, Joseph !

Pour nous, trois lieux pour se ressaisir dans l’intimité de Dieu: le passé, le présent et l’avenir parce que l’Avent est le temps de la mémoire, mais aussi le temps de l’aujourd’hui et enfin le temps de l’avenir .

A Noël, le peuple de Dieu se souvient de la première venue du Christ, celle de l’Enfant Jésus dans la crèche de Bethléem annoncée par les prophètes du Premier Testament, celle également du Royaume de Dieu, préparée par Jean le Précurseur et proclamée par Jésus de Palestine, Fils de Dieu.

L’Avent, c’est aussi le temps de l’aujourd’hui ». Un passage pour vivre ce temps de l’aujourd’hui, c’est de croire que le Christ glorifié dans les Cieux renouvelle en nous, entre nous les grâces de l’Incarnation pour le monde. Je cite Dieudonné Dufrasme, moine bénédictin : « Ce n’est certes plus l’Enfant Jésus qui chaque 25 décembre, renaît dans la crèche ; c’est le Messie, mort et ressuscité qui, dans le sacrement de la fête de la Nativité, se rend présent au cœur des croyants dans son mystère de Dieu fait homme. A proprement parler, Jésus ne naît plus parmi nous ; il renaît en nous, plutôt, en cette crèche vivante qu’est notre cœur aimant » De la crèche avec ces santons à la crèche de notre cœur, quel passage ! vivre à l’intérieur ce que nous contemplant à l’extérieur est un travail d’intériorisation qui nous permet de vivre dans une profonde intimité avec l’Enfant-Dieu qui se rend présent, si proche qu’il devient plus intime à nous-même que nous-même, comme le dit Saint Augustin. Désirons-nous cela pour Noël qui vient ?

L’Avent est le temps de l’avenir. A chaque anamnèse, nous disons ou chantons notre désir qu’Il vienne : « nous attendons sa venue ».  Privilégions ce terme à l’idée du retour : « nous attendons qu’il revienne ». Il ne s’agit pas de « l’Éternel retour du même » comme l’exprime Nietzche.  Ou alors, il nous faut préciser « dans la gloire ». « Il reviendra dans la gloire ». Je cite à nouveau Dieudonné Dufrasme : « Dès lors, notre mémoire du Noël de Bethléem et nos célébrations annuelles de la Nativité liturgique sont tendues vers cette ultime venue, vers ce parachèvement de la Sainte histoire du monde, vers l’accomplissement de la Rédemption des hommes ». C’est important, en ce temps privilégié de l’Avent de nous ressaisir dans le désir de sa venue en gloire, de nous redire que la finalité de notre être, c’est l’amour du Père révélé en Christ vainqueur de la mort.

La spiritualité chrétienne est radicalement marquée par la dimension de l’attente, du soupir, du désir. Nous venons de Dieu et c’est inscrit dans notre mémoire spirituelle. Nous n’en avons plus le souvenir. Alors si nous voulons y prêté attention, une lointaine nostalgie fait soupirer notre cœur, désir de Dieu, soupir de l’Esprit, attente du Christ. Le temps de l’Avent est une période liturgique privilégiée où ce désir, constant dans notre existence chrétienne, est évoqué, célébré, réveillé comme on ravive une blessure, consolé comme on calme une souffrance, ressuscité comme on ranime la flamme d’un amour.

Cette dynamique de l’amour qui réconcilie vitalité, joie, paix et blessure de l’accouchement qui nous enfante à la vie divine a été pleinement assumée par Marie et Joseph. Marie et Joseph sont les premiers en chemin comme chefs de cordée. Ils nous accompagnent et nous guident. Laissons-nous regarder par Marie comme elle a regardé Joseph. Et Marie, pour l’enchantement et la joie de nos âmes, n’arrête pas notre regard sur chacun d’entre nous. Son regard est une invitation à regarder plus haut, à regarder vers le miracle de lumière, de sainteté et de vie qu’elle a pleinement accueilli et qu’elle nous donne : le Christ Notre-Seigneur, son Fils et le Fils de Dieu dont elle-même a tout reçu. Accueillons la parole que Dieu nous adresse personnellement et partageons-la comme un trésor qu’on ne peut garder pour soi.

Bmg