Peut-être, vais-je enfoncer une porte ouverte en remarquant que l’Avent s’écrit avec un « e » et non avec un « a ».  Le mot Avent vient du mot latin « adventus » qui veut dire « avènement ». Pendant ce cycle liturgique, nous nous préparons à célébrer un avènement, une venue, ou plutôt plusieurs venues. Il est venu, il ne cesse de venir à chaque Eucharistie, il viendra dans la Gloire. Trois mouvements qui concernent le passé, le présent et l’avenir. Isaïe avait annoncé les temps messianiques où les hommes, « de leurs épées,  forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles ». Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. Comment entendre cette parole, en cette période de folie meurtrière, dans cette guerre aux portes de l’Europe ? Ce temps liturgique tombe à point. Il doit être pour chacun de nous un moment de reprise spirituelle, une espérance ardente dans le Christ, car Dieu se refuse à désespérer de l’homme. L’homme suffisamment en bonne santé cherche la cohérence, l’harmonie et la beauté. La misère du monde vient contredire, heurter, blesser ce vrai désir. Pour éviter les inévitables tensions entre nos désirs et la réalité, nous élaborons, inconsciemment ou non, de savantes stratégies qui nous rassurent et nous protègent, mais nous perdons un peu de notre humanité et surtout de notre lucidité. Voyons-nous vraiment le monde, voyons-nous vraiment la misère du monde ? Comment occultons-nous la réalité de ce monde ? Indifférence, violence, bons sentiments, mépris, condescendance, idéologie sont comme la matière première de notre art à fuir la réalité de ce que nous ne voulons ou ne pouvons pas voir. Nos propres mécanismes de défenses nous privent d’une partie de notre acuité visuelle.

Rééduquer notre regard par notre vie intérieure pour voir plus et mieux est l’invitation de ce temps de l’Avent : une nouvelle naissance à travers un nouveau regard qui nous fait grandir en humanité.  « Nous avons devant nous quatre semaines pour préparer en nous, pour le Christ, l’humble étable d’un cœur de pauvre mais d’un cœur vrai et aimant où il pourra de nouveau venir, naître et grandir. Oui, en ce premier dimanche de l’Avent, Jésus, qui cherche inlassablement la porte de notre cœur, n’a qu’une question en tête : il veut savoir s’il est ouvert, vraiment ouvert, s’il n’est pas trop encombré, s’il vit. Il ne s’agit rien moins que de donner nos vies, de tout lâcher pour choisir l’amour, pour accueillir vraiment celui qui nous donnera la charité vraie, celle qui commence humblement par le don de soi au prochain.» (Domergue) soit orientée, pour nous-même et pour le monde, vers sa finalité, Dieu lui-même.

« Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

Y-t-il une menace d’intervention de Dieu qui viole notre intimité à la manière d’un intrus… Dieu se comporterait comme un voleur qui ne préviendrait pas sa victime. Doit-on se méfier de Dieu ? Que veut-il nous dérober ? C’est une invitation à quitter ce que nous croyons être un trésor et qui n’est qu’idolâtrie pour trouver ce qui ne s’achète pas. Dieu est un voleur mais qui ne dérobe que ce que nous lui donnons, c’est-à-dire tous les obstacles à une rencontre d’intimité avec lui, tout l’opposé d’une intrusion. Il nous faut donner toutes nos peurs : peur de vivre, peur de mourir, peur des autres, peur de souffrir, peur de toi, Dieu. Tout donner pour le jour de sa venue.

C’est le moment de veiller certes mais dans la confiance dans l’Amour divin. Alors, nous ne verrons plus Dieu comme un voleur qui risque de nous surprendre en flagrant délit, un voleur capable de percer notre intimité comme on perce un coffre-fort mais comme un Dieu qui déjà maintenant perce, met à jour nos fausses stratégies, nos hypocrisies, nos intentions pas justes. C’est une invitation à la confiance, à la simplicité que seul le Dieu de Jésus Christ peut nous apprendre. Christ sur la Croix brise toutes les menaces, révèle l’amour de Dieu inconditionnel, immérité, infini. Son amour, livré sur la croix, nous lave, nous purifie, nous donne la possibilité d’aimer, petit à petit comme lui nous a aimés.

Accueillons dans l’eucharistie cet amour dont a fait l’expérience Blaise Pascal lors de sa nuit de feu. Voilà ce qu’il écrit :

« Feu/Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob/non des philosophes et des savants./Certitude, certitude, sentiment, joie, paix./Dieu de Jésus‑Christ/(…) Joie, joie, joie, pleurs de joie. (…) »

Certes, nous n’avons pas tous fait cette expérience de nuit de feu. Peut-être avons-nous fait des petites expériences sensibles de l’Amour divin dans nos propres vies. Mais ce qui n’est pas forcément sensible et qui demande un acte de foi, c’est l’Eucharistie. C’est le lieu où Dieu vient transfigurer notre pauvre amour.