« Qu’il me soit fait selon ta parole ». Marie accepte que, le Seigneur, s’il le désire, entre au cœur de sa vie. Elle laisser l’Esprit Saint faire grandir en elle le mystère que l’ange vient de lui annoncer. « Si tu le désires, alors que ton projet prenne naissance en moi et qu’il grandisse ». C’est à partir de ce moment que l’Esprit Saint va profondément œuvrer en elle et au-delà d’elle.
Avez-vous déjà rencontré des personnes dont l’art est de faire exister l’autre dans la bienveillance, en fait l’art de l’autre ? Vous êtes-vous demandé comment Marie regardait chaque personne qu’elle rencontrait ? Combien plus quand l’Esprit Saint met en lumière tout l’amour qui est en elle. Avec sa permission, Il va mener la capacité d’aimer de Marie jusqu’à son point d’incandescance.
Marie se hâte pour visiter sa cousine Élisabeth, enceinte de six mois ? L’Esprit Saint va « jeter » Marie sur la route. Luc précise qu’elle se rend de Nazareth à Eim Karen en hâte. Cent cinquante kms pour atteindre les collines de Judée, tout à la joie de l’expérience de l’Esprit Saint. Depuis l’Annonciation, tout se précipite rapidement. Dieu est l’œuvre dans l’invisible, tellement à l’œuvre que la manière de voir de Marie en est illuminée. L’Artiste par excellence, c’est l’Esprit Saint.
A travers Lui, notre regard, le monde se ré-enchante. Qui plus est, les rencontres en sont illuminées. C’est tellement puissant que cela surgit de l’invisible pour se manifester dans les paroles et les gestes qu’échangent cette jeune femme, Marie et cette vieille femme sa cousine Élisabeth, toutes les deux enceintes. Marie a salué Élisabeth. Qu’a-t-elle dit de plus que le shalom traditionnel ? Un mot tout simple de politesse et pourtant ce mot fait gonfler la voix d’Élisabeth et déclenche en elle un bondissement de l’enfant qu’elle porte. Élisabeth dans la joie des naissances toutes proches de Jésus et de Jean-Baptiste fait l’expérience de cette communication vitale par Marie. Les deux futures mamans vont exprimer une allégresse qui dépasse de beaucoup la joie humaine de porter et d’enfanter la vie. Marie, communiquant la joie ! Mais qui agit dans cette communication ? C’est l’Esprit Saint qui est à l’œuvre, c’est l’Esprit Saint qui a recouvert de son ombre Marie, c’est encore lui qui l’a conduite en hâte vers sa cousine Élisabeth, c’est l’Esprit Saint qui a fait tressaillir l’enfant, c’est l’Esprit Saint qui fait prophétiser Élisabeth, c’est l’Esprit Saint qui procure à ces deux futures mamans une joie qui dépasse tout. Cette allégresse venue de l’Esprit Saint exprime un bonheur en Dieu, envahissant tout l’être, corps compris et cela dans la sobre ivresse de l’esprit Saint. « Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur, crie Élisabeth ! » Communication vitale, je dirai, de ventre à ventre, de la vie divine, dans une profonde explosion de joie. Élisabeth a reconnu Jésus à peine conçu comme son Seigneur. C’est dire que l’Esprit Saint a illuminé de sa lumière son intelligence et déjà la bonne nouvelle se propage. Non seulement le regard de Maire fait exister l’autre dans sa profonde dignité mais elle donne à sa cousine accès à sa vie intérieure profonde.
C’est à cette proximité que Noël qui vient nous invite. Que rayonne sur nous, comme a rayonné sur Marie, l’action de l’Esprit Saint. Que le mystère de Jésus qui a grandi en Marie nous enveloppe de sa beauté et vienne toucher en nous cet enfant éternel qui ne demande qu’à grandir. Que nos yeux en soient illuminés, que rayonne sur nous la joie de Noël. Marie est pour nous comme un appel au rayonnement de notre vie intérieure. Marie s’en va pour accomplir une mission, une évangélisation. L’Enfant qu’elle porte, elle doit le porter aux autres. C’est une sorte d’extase, une sortie de soi, tout le contraire d’un renfermement sur son propre vécu spirituel. Marie est donc saisie dans la mission de Jésus! Marie goûte déjà la fécondité de sa mission.
Nous aussi notre fécondité spirituelle est cette plongée en nous même, non pas un repli introspectif sur nous-même, non pas de l’introspection qui nous mène qu’à nous-même mais bien plus que cela, un mouvement de notre propre esprit porté par l’Esprit saint qui vient rayonner autour de nous toute la beauté intérieure que Dieu a mis en nous. Noël, c’est cela : une plongée en soi dans notre intériorité et une ouverture au monde.
Le récit d’Anne peut nous aider à comprendre l’importance de ce double mouvement : rejoindre la présence de Dieu en nous et nous ouvrir aux autres. C’est une psy que je connais bien qui m’a adressé Anne. Elle est jeune, dynamique, ouverte et très attirée par la prière silencieuse. Quand elle prie, elle supplie le Seigneur de lui faire savoir si elle doit rentrer dans la vie monastique ou rester dans le monde. Elle revient d’Indonésie où elle a fait un travail remarquable au sein d’une organisation humanitaire. Elle est rayonnante. Cependant, il semble que sa force vitale soit entravée par une souffrance psychologique enfouie dans l’abîme inconscient de blessures d’enfance. Par des consolations sensibles, Dieu l’attire vers les profondeurs de son intériorité. Prier est un plaisir et un lieu de croissance spirituelle: «Jésus était mon seul ami. Je passais des heures en oraison, à méditer les Évangiles. Et j’aimais bien, j’ai découvert beaucoup de choses par la méditation de la compréhension de la parole de Dieu. Je me suis même dit que je pourrais me faire religieuse. Au moment de passer à l’acte, je ne sais pas pourquoi, quelque chose s’est brisé en moi, je ne voulais plus, plus du tout. Alors je demandais à Dieu s’Il m’appelait vraiment. » Pourquoi ce déchirement intérieur provoqué par la question vocationnelle? Pourquoi quelque chose se brise en elle quand il est question d’embrasser vraiment la vie religieuse? Anne s’est isolée, fixée sur cette question à cause de l’angoisse de ne pas pouvoir choisir. Un obstacle puissant l’en empêche. Est-ce seulement du domaine du combat spirituel? Il me semble que non. Quelle est cette menace tapie dans l’ombre prêt à faire irruption dans la conscience? Quelle est cette force qui mobilise toute la vitalité d’Anne pour mettre à distance cette menace, pour la contenir dans les profondeurs de l’inconscient? Quels sont ces mécanismes de défense qui l’obligent à déployer de savantes stratégies pour survivre? C’est une vraie paralysie comme si la vie d’Anne était bridée, entravée, empêchée. «Je ne comprenais pas pourquoi les autres ne m’acceptaient pas et pourquoi j’avais du mal à les accepter. La prière était mon refuge, Jésus était mon seul ami et même, je ne souhaitais pas en avoir d’autres. Je n’en voulais pas d’autres parce que j’avais décidé de ne plus en avoir. Le Seigneur a été présent à tout moment de mon évolution et a respecté ma liberté. Il a accepté que je le prie Lui seul, sans m’ouvrir aux autres, qu’Il soit l’unique compagnon de ma vie. Il a respecté mes choix d’isolement, de mutisme, de voyages. C’est une fois affaiblie et complètement désorientée que j’ai dû faire confiance à un autre que Lui. Et là j’ai entendu de façon plus claire qu’Il a fait de nous des êtres ayant besoin les uns des autres, que nous ne pouvions aimer Dieu seul sans aimer les autres.»
Avec courage et humilité, Anne s’est laissé aider. Sur sa route, elle a alors rencontré des regards bienveillants qui l’ont espérée, attendue, qui ont cru en elle. Elle a pu, petit à petit, sortir du brouillard et trouver le chemin vers elle-même. Au détour d’un échange, au cours d’une rencontre d’accompagnement, Anne raconte. Elle se souvient qu’à l’âge de six ans, Marco, un personnage trouble, a vécu un temps à la maison. Anne se rappelle mais minimise l’événement, c’est trop dur d’affronter cette ombre qui plane au-dessus d’elle, tel l’aigle noir de la chanteuse Barbara, l’aigle noir symbolisant l’inceste qu’elle a subi alors qu’elle s’était endormie sous un arbre. Ce qui m’apparaît probable pour Anne, c’est qu’un aigle noir prédateur soit tapi dans sa mémoire affective et sexuelle. Tous ses mécanismes de défense ont fait d’elle une forteresse pour se protéger des autres et plus encore pour se protéger de cette menace en elle qui l’habite. C’est beaucoup plus tard que nous travaillerons dans la prière à visiter la charge émotionnelle qui y est attachée. Elle est énorme: honte, culpabilité, mésestime de soi, tristesse, colère et angoisse. Les dégâts sont importants. L’Esprit Saint invoqué en ce lieu de captivité a pu dénouer tout ce qui avait pu être noué. Toute étonnée de cette nouvelle liberté, Anne a dû rebattre les cartes, réhabiter sa vie intérieure autrement. Terminée la confusion entre spi et psy, exit le faux self qui la faisait s’isoler des autres tant ils étaient une menace pour elle. En cette longue période de convalescence où tout est possible, psy et spi, Ciel et terre s’embrassent enfin sans se confondre. Seule l’intimité avec le Christ peut permettre ce dialogue harmonieux entre psy et spi sans confusion ni séparation. C’est donc à Lui au Christ dans la puissance de l’Esprit, sous le regard bienveillant du Père qu’Anne se laissera guérir par Dieu de sa paralysie intérieure et de son isolement. N’est-ce pas précisément cela le mystère de Noël.
Bmg