Que voit-on dans les yeux d’une personne ? Dans ses yeux, on lit tout son art d’aimer et de se laisser aimer. Avez-vous déjà rencontré des personnes dont l’art est de faire exister l’autre dans la bienveillance, en fait l’art de l’autre ? Vous êtes-vous demandé comment Marie regardait chaque personne qu’elle rencontrait ? Pour elle, cet art de l’autre va prendre une grande ampleur après l’Annonciation. Qu’est-ce qui permet à Marie de porter jusqu’à l’incandescence son art d’aimer ? Son consentement ! Elle consent de tout son être au projet de Dieu. A partir de son « fiat », elle va vivre une expérience inouïe d’ouverture à l’Esprit Saint, l’Esprit Saint qui la prend sous son ombre.
Le récit de l’Annonciation se termine sur ces mots de Marie: « qu’il me soit fait selon ta parole ». Quand nous disons dans le Notre Père : « que ton règne vienne », c’est le verbe genomai à l’impératif qui est utilisé. C’est le même verbe qu’utilise Marie mais à l’optative. (Le mode du souhait. Il correspond, de manière générale, au mode conditionnel de la langue française).
Marie invite le Seigneur, s’il le désire, à entrer au cœur de sa vie et à laisser l’Esprit Saint faire grandir en elle le mystère annoncé par l’ange. « Si tu le désires, alors que ton projet prenne naissance en moi et qu’il grandisse ». C’est à partir de ce moment que l’Esprit saint va œuvrer intensément et en elle au-delà d’elle. D’abord travail intérieur d’enfantement en Marie qui accueille le Verbe dans son cœur puis dans son corps par son total consentement : accueil plénier d’un amour parfait.
Tout au début du récit, l’ange s’adresse ainsi à Marie.
« Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Le fiat de Marie, c’est-à-dire l’ouverture totale de son cœur au projet de Dieu est fondamental quant à la suite des événements. A l’Annonciation, elle dit oui à la grandeur de sa mission. Elle dit oui à ce qui pourra advenir. Elle aura à dire oui au recouvrement au temple dans l’arrachement qu’elle et Joseph auront à faire quand ils entendront Jésus âgé de douze ans leur dire : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père. » Elle aura à dire oui dans un paroxysme de souffrance au pied de la Croix. Son oui total à l’Annonciation la soutiendra pour tenir debout devant la souffrance de son Fils. « Stabat mater ! »
Avant son fiat, Marie pose une question non sur le fond de l’annonce mais sur sa modalité. « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » Marie a été bousculée par la Parole angélique. Cependant, Marie ne doute pas de la Parole que Dieu lui adresse par le message de l’ange mais elle hésite, comme font remarquer plusieurs Pères, à propos du mode de la naissance du Verbe en elle. C’est comme si l’ange lui disait : « Ne considère pas l’ordre de la nature et ne recherche pas le sens littéral de cette merveille que je t’annonce, l’Esprit Saint viendra sur toi »…-et si j’ose dire « basta ». Le Père Kolwalski a été mon professeur d’exégèse. J’ai en mémoire une provocation qu’il a faite à l’aide d’une question polémique par excellence. Il pose la question par rapport au génotype de Jésus. « Les chromosomes de Jésus, d’où viennent-ils ? Pour la moitié de Marie. Mais l’autre moitié ? D’où viennent-ils ? Dans le cours, se trouvaient beaucoup de scientifiques. A Dieu rien d’impossible. Il a créé l’autre partie de chromosomes ex nihilo. Et c’est là que commence sa provocation : Pourquoi n’aurait-il pas créé de rien, ex nihilo, les chromosomes de Joseph en Jésus ? Était-ce une plaisanterie ? Je crois que oui vu sa conclusion : « Jésus devait être roux comme l’ancêtre de Joseph David l’était ». C’était une façon provocatrice de nous dire: Ne cherchez pas d’explication scientifique à la conception virginale de Jésus en Marie. L’explication de l’ange sur la manière dont cela se fera se résume à : « l’Esprit Saint viendra sur toi ». Basta ! L’ange donne aussi un signe, le signe « d’Élisabeth attendant un enfant » ? Pourquoi ce signe ? L’Esprit Saint œuvre en Marie mais aussi à travers elle. C’est le sens de l’envoi vers sa cousine Élisabeth. La grâce qu’elle a reçue ne reste pas enfermée, elle a pour nature de se communiquer.
L’esprit Saint qui travaille en elle est source de joie : une joie qui rayonne. L’Esprit Saint est à l’œuvre, c’est l’Esprit Saint qui a recouvert de son ombre Marie, c’est encore lui qui l’a conduite en hâte vers sa cousine Élisabeth, c’est l’Esprit Saint qui a fait tressaillir l’enfant en Élisabeth, c’est l’Esprit Saint qui fait prophétiser Élisabeth, c’est l’Esprit Saint qui procure à ces deux futures mamans une joie qui dépasse tout.
Cette allégresse venue de l’Esprit Saint exprime un bonheur en Dieu, envahissant tout l’être, corps compris et cela dans la sobre ivresse de l’esprit Saint.
« Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? »
Que rayonne sur nous, comme a rayonné sur Marie, l’action de l’Esprit Saint. Que le mystère de Jésus qui a grandi en Marie nous enveloppe de sa beauté et vienne toucher en nous l’enfant intérieure, innocent, éternel et sacré qui reste vivant en nous et qui ne demande qu’à grandir.
Marie est pour nous comme un appel au rayonnement de notre vie intérieure.
Marie s’en va pour accomplir une mission, une évangélisation. L’Enfant qu’elle porte, elle doit le porter aux autres. C’est une sorte d’extase, une sortie de soi, tout le contraire d’un renfermement sur son propre vécu spirituel. Marie est donc saisie dans la mission de Jésus !
Marie goûte déjà la fécondité de sa mission associée à la mission de Jésus.
Nous aussi notre fécondité spirituelle est cette plongée en nous même, non pas un repli introspectif sur nous-même, non pas de l’introspection qui ne mène qu’à nous-même mais bien plus que cela, un mouvement de notre propre esprit porté par l’Esprit saint qui vient rayonner autour de nous toute la beauté intérieure que Dieu a mise en nous.
bmg