Cette parabole traite de deux sujets différents, la première partie met en scène le refus des autorités religieuses de reconnaître Jésus comme Messie, la deuxième partie annonce que toutes les nations sont invitées à l’espérance messianique.
Un roi prépare les noces pour son fils, thème classique de l’Alliance. Un festin se prépare. C’est exactement l’écho du texte d’Isaïe de ce dimanche.
« Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples
et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple ».
Les premiers invités de plein droit sont le peuple élu. A quoi sont-ils invités ? A un festin royal qui symbolise l’ère messianique. La réponse de ceux qui sont personnellement invités révèle un manque d’intérêt pour un tel événement et montre une grande indifférence pour le roi et son fils. Les envoyés du roi essuient un premier refus sous des prétextes fallacieux. Comment ne pas y voir un profond mépris pour le roi ? Pour le deuxième envoi, s’exprime le même mépris. L’assassinat de certains messagers révèle qu’il y a plus que du mépris. Ils ont de la haine contre lui.
Alors, la réaction du roi quand il apprend tout ça ne tarde pas, il se met en colère. Le roi envoie ses armées pour châtier les meurtriers ; on les tue et brûle leur ville. La violence des premiers invités se retournent donc contre eux. Est-ce à dire que c’est la violence de Dieu qui est pointée dans cette parabole ? Cette violence attribuée au roi n‘est pas directement celle de Dieu mais Jésus veut dénoncer la gravité du refus.
Les premiers invités ayant décliné l’invitation, ce sont d’autres qui sont invités. Ce qui est ainsi montrer, c’est que le projet de Dieu n’est pas mis en échec. Le refus d’Israël ne fait pas définitivement obstacle au projet de Dieu et c’est la deuxième partie de la parabole. Historiquement, c’est ce qui s’est passé. Dans les Actes des Apôtres, on voit se répéter plusieurs fois le même scénario. Chaque fois qu’il aborde une nouvelle ville, Paul se rend d’abord à la synagogue et commence par annoncer aux Juifs que Jésus est le Messie attendu. Certains le croient et deviennent chrétiens. La plupart refuse et chasse Paul qui s’adresse alors aux païens. C’est exactement ce qui s’est passé à Antioche de Pisidie : « C’est à vous d’abord que devait être adressée la Parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. » (Ac 13,46). A Iconium, à Thessalonique, il s’est passé la même chose (Ac 14,1) ; et c’est parce que les apôtres étaient chassés de ville en ville que l’Évangile s’est répandu de ville en ville.
la deuxième partie de la parabole met en scène l’envoi des serviteurs du roi sur les routes de son royaume pour inviter tous ceux qui peuvent. La salle des noces va être remplie, mais avec des méchants comme avec des bons. Est-ce la solution ? ça risque de déshonorer gravement le fils. Ici, le roi prend ses précautions, il vient à l’avance pour vérifier si tout le monde est digne. Le signe symbolique de cette dignité, c’est le costume de noces, donc un beau costume en l’honneur de celui qu’on veut ainsi honorer. Apparemment, tout le monde en a un, mais il en trouve un qui précisément ne l’a pas. Il lui demande : ”Mais comment as-tu pu entrer ici sans avoir ce vêtement de noces ? ” Pas de réponse. Son silence évidemment le dévoile. Il s’est faufilé dans la noce avec un projet contraire. Il ne peut avouer qu’il est en profond désaccord avec le roi, et qu’il refuse et veut troubler la communion entre tous les convives. Le festin est un symbole de communion et d’harmonie. Il est ainsi jugé sur le fait qu’il a voulu ainsi troubler cette cohérence harmonieuse voulue par le roi et son fils. Il est jeté dans les fameuses ténèbres extérieures.
Est-ce certain qu’il avait cette mauvaise intention ? Peut-être qu’il n’a pas pu s’acheter un vêtement de noce. Riches ou pauvres, en retard ou non, tous ont eu la robe. C’est donc qu’elle était offerte à la porte. Celui-là a refusé de la recevoir et s’est faufilé en secret pour ne pas l’avoir. Du coup, il est jugé en toute justice. Vous voyez bien ce qu’est cette robe de noce, ce n’est pas simplement le parfum de nos vertus ou les mérites que nous avons pu accumuler, c’est la grâce du roi qui était offerte gratuitement même aux plus pauvres ; donc celui qui aura refusé ainsi cette grâce devait avoir des raisons cachées, fondées, d’une manière ou d’une autre, sur la haine du roi. C’est sur cette haine du roi et de son fils qu’il sera finalement jugé.
Pour nous, la robe de noce, c’est celle des baptisés. Nous avons été revêtus du Christ, graciés, sauvés mais nous n’avons pas à penser que cette gratuité n’attend pas de nous une réponse. Il nous faut accepter de suivre celui qui nous appelle aux noces éternelles. Cet appel est aussi celui de suivre le chemin qu’il nous trace. Autrement dit, il ne s’agit pas d’accepter passivement de prendre part au festin des noces. Il faut aussi, tant bien que mal sans doute, s’en rendre digne. Pour cela prendre conscience de plus en plus de notre infinie dignité, tout faire pour y adhérer de toute notre intelligence, de tout notre cœur, de toute notre vie. Que nous ne séparions jamais de Dieu, c’est qui Lui nous permet d’assumer cette responsabilité, même si parfois le chemin est long et difficile.
Ce fut le cas pour Saint Augustin qui toute sa vie a cherché la vérité. Ce fut une longue quête passionnée avant sa conversion. Toute la période avant son illumination chrétienne dans le jardin de Milan a été marquée par un certain orgueil intellectuel et une sensualité qui le débordait. C’est l’Écriture qui l’a emmené dans un chemin d’humilité. L’Écriture, il la méprisait, considérant que c’était des contes pour vieilles dames en quête de belles histoires. Dans ses homélies qu’Augustin avait plaisir à écouter, Saint Ambroise, évêque de Milan lui a montré à quel point la bible contenant une immense richesse. Il a fallu pour retourner complètement Saint Augustin une grâce de conversion dans un jardin de Milan. Il entend la voix d’un enfant qui lui dit « prends le livre ». Il ouvre la bible et tombe sur le passage où Saint Paul parle du combat de la chair et de l’Esprit, chair au sens de ce que nous pourrions appeler la psychê. C’est alors qu’il a accès à son intériorité la plus profonde, jusqu’à dire : « Tard je t’ai aimée Beauté si antique, Beauté si nouvelle, moi qui me ruais sur les beautés extérieures que tu as faites. Tu étais au plus profond de moi et moi à l’extérieur »
Le refus de Dieu, c’est le refus de ce que nous sommes : des êtres faits pour Dieu.
Que l’Eucharistie que nous vivons ce dimanche fasse grandir en nous l’amour de Dieu, l’amour des autres et l’amour de ce que nous sommes vraiment.