Depuis Vatican II, nous vivons en Église tout un renouveau théologique et spirituel autour de l’Esprit Saint pour lui redonner toute sa place dans la vie de l’Église et la vie spirituelle des chrétiens. Il y a eu bien sûr toute la préparation et la célébration du concile Vatican II, et encore le renouveau charismatique. Tout cela nous invite à renouveler notre relation avec l’Esprit Saint comme l’acteur central de notre vie spirituelle, comme hôte intérieur, protecteur et pédagogue pour notre foi. Dans une relation personnelle et intime avec Celui qui est déjà là quand, dans la prière, nous prenons le temps de l’écoute, nous créons l’espace qui permet à l’Esprit Saint d’agir en nous. Nous entrons ainsi dans un dialogue avec celui qui fait de notre corps son Temple, c’est-à-dire le lieu de la rencontre et de la célébration, celui qui nous habite au plus intime de nous-mêmes et désire de nous transformer de l’intérieur.

Le baptême, achevé par la confirmation, nous dispose de façon permanente à cette écoute et à un dialogue avec l’Esprit pour nous laisser agir par lui. Et c’est ainsi, par cette œuvre de l’Esprit en nous, que la vie et les paroles de Jésus deviennent actuelles et toujours nouvelles pour chacun de nous et pour son Église. Notre monde occidental a le souffle court. Saint Augustin a vécu dans une civilisation où le souffle de l’Esprit Saint n’avait pas accès à la respiration du monde. Après un combat ardu, Saint Augustin s’est laissé toucher par le Seigneur de vie qu’est l’Esprit Saint. Voilà comment il en parle : « “Ce qui me retenait, c’étaient des bagatelles de bagatelles, des vanités de vanité, mes anciennes amies : elles me tiraient par mon vêtement de chair en murmurant : “Tu nous renvoies ? Dès ce moment, nous ne serons plus jamais avec toi, et dès ce moment tu ne pourras plus faire ceci ou cela, plus jamais ?”

Et ce qu’elles me suggéraient dans ce que je viens d’appeler ceci et cela, ce qu’elles me suggéraient, mon Dieu ! Que votre miséricorde en écarte la pensée de l’âme de votre serviteur ! Quelles saletés ! quelles hontes, ces suggestions ! Et encore je n’entendais pas même à moitié leurs propos : car elles ne se présentaient pas en face, comme de loyales adversaires, mais c’était par-derrière et à voix basse qu’elles me parlaient et, si je tentais de m’éloigner elles me pinçaient furtivement pour me forcer à me retourner. Elles me retardaient toutefois, car j’hésitais à m’arracher d’elles, à m’en défaire pour répondre à l’appel qui m’attirait, et la tyrannique habitude me disait : “Crois-tu que tu vas pouvoir vivre sans elles ? ”  (Confessions, VIII, 11 G.F., Flammarion, p. 172-173).

Commentaire du père Cantalamessa dans « la sobre ivresse de l’Esprit »

Pendant ce combat intérieur, saint Augustin a beaucoup été aidé par la pensée du troupeau de ceux qui avaient suivi le Christ : des jeunes gens, des jeunes filles, des soldats, des personnes âgées, et il se disait :  » Si eux, ils ont pu, pourquoi pas moi ?  » Cette pensée peut aider tous ceux qui hésitent et tergiversent :  » Pendant combien de temps encore dirai-je : demain, demain ? Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi cet instant même ne marquerait-il pas la fin de ma vie triste et inutile, loin de Dieu ? Peut-être, auras-tu pris bien des fois ton élan pour sauter au-delà du fossé, pour traverser ta petite mer Rouge, et ensuite te retrouver dans la liberté de la Terre Promise, hors d’Égypte, mais peu à peu ton élan a faibli et tu t’es arrêté sur la ligne de départ, du côté de l’Égypte. Maintenant le Seigneur t’invite à recommencer en mettant ta confiance non pas en toi, mais en son Esprit Saint. Avec lui tu vas y arriver. Prends ton élan et ne t’arrête pas tant que tu ne seras pas dans les bras du Père qui t’attend…  »

Et nous baptisés, confirmés quels obstacles mettons-nous dans l’incessante plongée dans le souffle de l’Esprit Saint, nous qui avons souvent vécu la sobre ivresse de l’Esprit Saint.

Ce que Dieu a mis en nos cœurs à notre baptême et à notre confirmation, c’est aussi la capacité à nous remettre en question pour retrouver l’élan que donne l’Esprit saint. Humblement, nous comprenons que notre souffle est trop court et que parfois dans nos vies nous sommes à bout de souffle. L’Esprit Saint nous apprend à aimer. Grandir dans l’Esprit Saint, c’est grandir dans la capacité à aimer. Humblement, nous ouvrons nos pauvres amours à l’amour-souffle qu’est l’amour de Dieu. Humblement, nous reconnaissons nos difficultés à aimer. Aimer est un travail difficile car aimer, c’est prendre le risque d’être trahi, aimer, c’est quelque fois tenter de pardonner dans la douleur de la blessure. Aimer, c’est certes vouloir être heureux et rendre l’autre heureux, mais c’est aussi accepter d’être blessé, de ne pas vraiment être à la hauteur. Aimer, c’est à chaque instant, dans le concret de la vie de tous les jours. Aimer, c’est accueillir et donner la joie, c’est aussi prendre le risque de rencontrer des déceptions et des frustrations, aimer, c’est dépasser ensemble les tensions et les conflits, c’est aussi vieillir: joie, peine et fatigue intimement mêlées. Aimer, c’est donner la vie mais c’est aussi traverser la mort. Aimer c’est compter sur Dieu. Vivre dans son souffle. Dieu se manifeste dans la joie et dans la peine: dans la joie pour nous donner le goût d’aimer, dans la peine pour se faire connaître à nous au cœur même de ce qui est tendre en nous, au creux même de notre soif d’aimer et d’être aimés.

Sans le vouloir et sans que cela soit toujours de notre faute, nous avons un cœur dur. Nous ne permettons pas à l’amour de Dieu de circuler librement en nous. Nous ne voulons exister que par nous-même, nous ne croyons pas que l’amour de Dieu peut nous emmener au-delà de nous-même.

L’amour de Dieu pour nous est souffle. Christ nous livre un langage, une sagesse. Cette sagesse, c’est l’Esprit Saint livré dans notre cœur et qui crie Abba Père. Comment ne pas rendre grâce dès maintenant au Père, source de l’amour qui nous a créé, qui nous conduit, nous traverse. L’Amour du Père nous en sommes pétris. C’est vers Lui que nous allons, c’est Lui qui nous espère, nous conduit, nous protège et nous purifie sans cesse. Que cette Eucharistie nourrisse en nous cette confiance en l’amour divin, solide et prévenant qui nous rend capable de persévérance.