Les Sadducéens à qui Jésus s’adresse sont des représentants de l’aristocratie sacerdotale, ils sont conciliants avec l’occupant et sont conservateurs attachés à la Torah écrite, les cinq premiers livres de la Bible, rejetant les doctrines postérieures, notamment la résurrection des morts. A l’opposé, la première lecture tirée du livre des Macchabées se fait le chantre de la résurrection. « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »
Les Sadducéens veulent débattre avec Jésus sur la question de la résurrection. Ils l’interrogent à partir de la loi de Moïse, ici la loi du Lévirat (de levir, beau-frère). A la mort d’un homme, si son épouse n’a pas d’enfant mâle, son beau-frère se doit de la prendre pour femme pour assurer la descendance (Dt 25,5-10). Les Sadducéens en arrivent à poser à Jésus un curieux cas de conscience. Pour cela, ils imaginent une situation extrême d’un homme marié qui décède sans descendant. La veuve est épousée par le frère et la situation se répète pour toute la fratrie des sept frères. A la résurrection, de qui, cette femme, sera-t-elle l’épouse ? Les Sadducéens veulent prouver par l’absurde que la doctrine de la résurrection est un leurre, une illusion. Pourtant, la question de la vie après la mort est essentielle. Jésus répond en insistant sur la rupture, le renversement entre le monde présent et le monde de la Résurrection. Jésus attaque cette conception matérialiste de l’au-delà assez répandue de son temps, à savoir la reconduction de la vie terrestre. La vie des ressuscités n’est pas rationnellement concevable. En déclarant qu’on ne se marie pas , mais qu’on est comme des anges, Jésus n’entend pas dire pour autant que l’homme et la femme ressuscités auront une condition angélique. Jésus veut faire comprendre que l’union charnelle n’est plus de mise dans l’au-delà, il y a une transformation du mode humain d’exister. La foi en la résurrection des morts ne peut trouver de preuves dans l’Écriture, mais seulement des appuis. Elle dépasse les raisonnements humains et repose directement sur la confiance absolue au Créateur dans sa puissance de vie. C’est vrai que nous avons tendance à imaginer l’autre monde à l’image de celui-ci. Nous sommes tentés de penser l’autre monde comme une continuation de ce que nous vivons. Notre intelligence encore moins notre imagination, liées à l’espace et au temps, ne peuvent appréhender l’au-delà. Quand Jésus aborde la question de l’autre monde , il suggère : « comme des anges ». Quant à la Résurrection, Jésus s’appuie non sur l’imagination mais sur l’Écriture : Le Dieu d’Abraham, d’Isaac, le Dieu de Jacob n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. C’est là le pont entre le monde où nous vivons et le monde où nous vivrons. Ce qui relie ces deux mondes, c’est la Vie ! Pour nous, c’est une clef, un critère de discernement par excellence dans les petites choses comme dans les grandes. Christ a portée à un tel niveau d’accomplissement la Vie qu’elle est dans notre humanité la victoire sur la mort. Christ, nous appelle à la vie et quand la mort frappe d’une façon aberrante comme en Ukraine, notre révolte est grande, elle est la révolte même de Dieu.
Mais que fait Dieu ? Il agit et dans une grande discrétion. Qu’ils le fassent en toute conscience ou non, les Irakiens sont dans un mouvement de résilience inouï. Non qu’il n’y ait plus de souffrance mais il est possible de résister à l’insoutenable. De plus en plus, je suis convaincu que ce qu’appelle Boris Cyrulnik résilience vient de Dieu. J’avais vu une émission à la télé sur ce thème. Tim Guénard et Martine, sa femme, avaient été invités mais aussi un certain Victor qui avait fait fortune grâce à un produit pour plomberie après son séjour en prison. Tim et lui avaient été piétinés par leur père respectif. Le contraste entre lui et Tim crevait l’écran. L’un avait pardonné et l’autre pas. L’un était rayonnant de paix et de sérénité et l’autre transpirait la violence. Victoire était resté dans sa colère. Il restait otage de la violence qu’il avait subi quand il était tout petit. Sa résilience était à la force du poignet. Sa résilience était celle du guerrier mais aucun lâcher prise, aucune place en lui pour accueillir la véritable paix. La vie éternelle est une vague qui permet de nous emmener dans la vie, au-delà de la survie. Je pense aux Ukrainiens. Je prie pour que l’Ukraine après beaucoup de temps puissent vivre de la résilience sereine, celle qui refuse que la violence reçue continue à détruire les cœurs. Pour cela, anticiper la vie éternelle, c’est choisir progressivement l’amour divin qui chasse la colère légitime, plus que cela qui chasse la haine et le désir de détruire celui qui a tenté de vous détruire. La haine, l’humiliation et la mort se sont abattues sur les Ukrainiens. Sur le Christ aussi, haine et effroyable violence l’ont défiguré. Sans haine et dans le pardon, il a crié vers son Père : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Vaincre l’injustice par le refus de la haine, c’est l’enjeu et il est d’importance. Ce n’est pas impossible si on se relie à la Passion du Christ. Le seul cœur humain capable de résister à l’injustice et de continuer à aimer, c’est le cœur humano-divin du Christ sur La Croix. Ce cœur sacré du Christ est la source qui amène petit à petit à la sérénité de l’Éternité au cœur du temps.
Entre la vie présente et la vie future, il y a une permanence et une continuité. Le germe de la résurrection, la semence de l’autre vie, nous les portons ensemble et maintenant. Cette vie nouvelle que nous espérons, elle coule déjà dans notre cœur et dans nos veines. Le souffle nouveau, celui de la nouvelle création habite déjà au plus profond de nous. L’Esprit de Dieu en nous et entre nous, sans cesse, nous suggère la vie éternelle qui déjà s’insinue dans notre monde comme une Bonne Nouvelle.
Dans l’Eucharistie, le pain et le vin transformés dans le corps ressuscité de Jésus deviennent gage d’immortalité, source jaillissante en vie éternelle. Le Principe de Vie qui fait coïncider temps et Éternité c’est le Dieu d’Abraham, d’Isaac, le Dieu de Jacob , le Dieu de Jésus-Christ. Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.
Bmg