« L’exigence de l’Église, c’est d’être, dans notre monde déchiré, un signe et un moyen de l’unité. Elle doit dépasser sa pluralité et unir les nations, les races et les classes. » (Ratzinger. La foi chrétienne, hier et aujourd’hui – 1969) Cette Église ici, n’est pas entendu comme étant uniquement l’Église romaine, mais « l’Église, unité concrète de la foi commune attestée dans la parole et de la table commune de Jésus-Christ ». (Ratzinger – id). Signe et moyen, c’est la définition du sacrement, et en particulier celui que nous vivons en cette Eucharistie. En cette semaine de l’unité des chrétiens qui arrive, nous avons à travailler à cette unité, sûrement en commençant par nous-mêmes. Tout ce qui nous empêche de nous ouvrir à l’universalité du salut doit être déposé en cette semaine au pied de l’autel. La division entre les Églises existe même au sein de chaque Église où les communautés s’isolent et se replient sur elles-mêmes, chacune attendant que l’autre partage son identité, sa manière d’être. Comment ces communautés qui ne se rejoignent même pas au sein de la même Église particulière, pourraient-elles devenir ferment d’unité de l’Église universelle ? En comprenant que ce qui nous divise n’est rien en rapport à ce qui nous rapproche, le Christ lui-même. Plus nous nous rapprochons du Christ, plus nous œuvrons à l’unité du Corps du Christ. Le Christ est avant tout communion.
C’est dans ce sens que nous devons entendre son appel : « Qu’ils soient un. » « Il n’est pas venu sur terre pour créer une nouvelle religion mais pour susciter une nouvelle communauté d’amour en Dieu. » (Frère Roger – Milan 1998) Personne avant le Christ n’a donné autant de force à cette communion. L’Évangile de ce jour nous le dit avec force. Le Christ arrive au Jourdain pour être baptisé par Jean-Baptiste. Existent en Palestine nombre de sensibilités juives : pharisiens, sadducéens, zélotes, samaritains considérés comme schismatiques et bien d’autres encore. La foule rassemblée attirée par le baptême de Jean-Baptiste cherche à être pardonnée par Dieu. Le pardon que Dieu accorde est le chemin de l’unité. Il permet de pardonner aux autres et à soi-même. Pour nous, travailler à l’unité des chrétiens, c’est humblement nous mettre dans la file de ceux qui cherchent une réelle conversion, celle du regard sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde. Bien sûr, ce monde n’est pas idéal mais il est celui que le Christ visite dans son Incarnation, dans sa vie cachée à Nazareth, dans sa prédication, ses guérisons et ses libérations sur les routes de Palestine et enfin dans sa Passion et sa Résurrection.
C’est dans notre monde en souffrance, divisé, non pacifié que le Seigneur a été baptisé dans le Jourdain. Toute une foule vient vers Jean-Baptiste pour être baptisée, pour confesser leurs péchés et recevoir le pardon. Jésus s’est mis dans cette longue colonne de pêcheurs qui reconnaissent leurs péchés et qui font cette démarche de conversion qu’est le baptême de Jean. Pourquoi Jésus se glisse dans la file d’attente pour faire ce geste de conversion? Pourquoi s’identifier avec les pécheurs ? A-t-il besoin du baptême de Jean ? Est-il pécheur ? Mathieu précise que Jean-Baptiste apercevant Jésus dans la file s’étonne de sa démarche : « Moi, j’ai besoin que tu sois baptisé par toi et tu viens à moi ! » La réponse de Jésus : « Pour l’instant, laisse faire ! » De toute Éternité, Jésus est dans l’unité d’Amour des trois personnes de la Trinité. Il est dans cette circulation d’Amour qui les relie.
Pourquoi Jésus reçoit le baptême « comme tout le peuple », précise Luc ? Jésus ne se dérobe pas à ce premier baptême. Il y rentre à l’égal des autres hommes, comme s’il avait besoin de reconnaître ses péchés lui qui n’a pas pêché. Alors pourquoi cette démarche ? Il ne s’agit pas uniquement d’un rite, Jésus utilise son baptême dans les eaux comme symbole de sa plongée dans les eaux de la mort et lui donne tout son sens; en se soumettant à ce rite, Il accepte la Passion ; on peut même aller plus loin puisque c’est Lui qui a l’initiative, Il n’y est pas obligé. Il consacre sa mort qui va venir, sa Passion comme mort rédemptrice pour l’humanité. Dans l’écartèlement de sa Passion, il accepte de comprendre au sens fort du terme, c’est de dire de prendre sur Lui les fractures de notre monde. Pour nous, c’est essentiel ! Comprenons-nous que cela concerne le sens de notre propre baptême ?
Nous sommes plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Nous sommes intimement unis au Christ. Nous ne faisons plus qu’un seul être avec Lui, et devenons ainsi fils à travers le Fils et dans le Fils ; ce qui comporte l’engendrement paternel, la naissance nouvelle qui est donnée dans le baptême par cette union au Fils Unique. En entrant dans les eaux du Jourdain, Jésus va purifier toutes les eaux et en particulier tous nos fonts baptismaux. De nos baptêmes en Jésus, jaillit la vie même de Dieu. Le baptême de Jean a fait son temps. Il est périmé. Ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons pas besoin de conversions. Le baptême que nous avons reçu nous purifie de nos péchés. Cette purification est réactivée par la messe, par le sacrement de réconciliation et notre manière de vivre. Le baptême de Jésus dans le Jourdain par Jean-Baptiste est une Théophanie.
L’onction de l’Esprit Saint sous forme d’une colombe descend sur Lui. Cette onction, il la reçoit au moment précis où il remonte des eaux, c’est la consécration de son oui à la mission confiée et ce, pour tout son ministère public et sa Passion. Une voix venue du ciel se fait entendre pour commenter ce qui se passe : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » ; cette voix est identifiée comme celle de son Père qui met son sceau sur la réalité de la vie donnée par Jésus pour la Rédemption de tout être humain. C’est le sceau trinitaire sur la mission du Christ. Le baptême de Jésus ouvre une fenêtre sur une intervention divine très puissante. C’est la synergie d’action de l’Esprit Saint et du Père au cœur de la mission du Christ. Seigneur, rappelle-moi que je porte également le sceau par lequel tu m’as accepté. Je suis marqué par ton Esprit; je suis appelé à participer à ta mission comme ton fils ou ta fille aimés. L’Eucharistie est le lieu source, sommet de la vie chrétienne pour cette transformation, guérison, simplification de nos cœurs et de nos vies, au cœur de nos communautés. C’est essentiellement cela le sens de l’unité : laisser Dieu ouvrir, élargir notre cœur à l’Amour de Dieu qui veut que tout homme soit sauvé.