Ce sont encore les ténèbres mais c’est de grand matin. La lumière rasante de l’aurore commence à dissiper l’obscurité : ouverture donc, passage de la mort à la vie triomphante. La pierre roulée en est le symbole, le tombeau est rendu accessible à une nouvelle réalité. Marie-Madeleine, encore toute embrumée et envahie par la tristesse cherche le corps inerte du crucifié.
Marie Madeleine a rencontré Jésus. Jésus l’a guérie et libérée. A ce moment précis, elle est totalement perdue. Celui que son cœur aime est mort. Jésus, son amour est mort sur la Croix. Désespérée, elle cherche son corps dans le tombeau. C’est le début d’un itinéraire humain et spirituel qui doit la faire passer de la mort à la vie et cela en deux étapes.
– Première étape : pleurer, pleurer beaucoup et mettre des mots sur ce qui provoque cette immense tristesse. Les deux anges et Jésus lui-même qu’elle prend pour le jardinier posent la même question: Pourquoi pleures-tu ? Elle pense que quelqu’un a volé le corps et lui a enlevé le peu qui lui reste, c’est à dire la possibilité de toucher le corps mort pour faire mémoire de ce que Jésus était pour elle. C’est sa quête de sens au cœur du non-sens, de l’absence.
– deuxième étape : c’est Jésus lui-même qui lui fera faire un autre déplacement. Par deux fois, elle se retourne: une première fois, physiquement, en tournant le dos au tombeau. L’expérience spirituelle qu’elle vit l’ouvre à un deuxième retournement. Quand elle entend son nom, prononcé par Jésus, ce n’est plus un retournement physique sinon elle lui aurait tourné le dos, mais un retournement intérieur qui l’ouvre à un nouveau regard, une nouvelle compréhension. Elle va faire un passage grâce à ces deux mots échangés, « Marie, rabouni » Deux mots qui redonnent vie à l’ancienne relation dans une radicale nouveauté. Deux mots qui mettent en connexion le visible et l’invisible, la terre et le ciel.
Pierre et Jean accourent. Pierre, sans hésiter, entre dans le tombeau. La lumière de la résurrection n’a pas encore fait naître en lui un nouveau regard capable de saisir dans les événements le monde nouveau qui surgit. Dans la pénombre du tombeau, il ne voit que linge et linceul. Il ne peut que prendre acte de l’absence troublante du corps du Seigneur. Jean n’entre pas tout de suite ; il « se penche » et « contemple le linceul resté là ». Son regard scrute l’invisible et « voit ». Bien sûr, il voit ce que Pierre a vu mais bien plus. « Jean vit et il crut » nous dit l’évangéliste. Jean était au pied de la croix. Il a vu mourir Jésus. L’Evangile de la Passion selon St Jean précise que Jésus remit l’Esprit. L’évangéliste ne dit pas que Jésus rendit l’Esprit mais qu’Il remit l’Esprit. Pour lui, Jésus meurt sur la croix en livrant déjà l’Esprit. Difficile pour nous de comprendre que la mort de Jésus donne la vie, donne l’Esprit. L’Esprit change notre regard, change le regard de Jean. Que voit-il ? Des linges mais disposés d’une certaine façon. Il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais « roulé à part, à sa place ». Le suaire autour de la tête de Jésus, c’est le linge roulé qui enserre la tête et qui retient la mâchoire. Il est roulé à sa place, c’est à dire en place. Le drap proprement dit qui a enveloppé le corps de Jésus posé à plat. C’est dire que le corps de Jésus n’est plus là et cependant, rien n’a été déplacé. Jean a compris cela et en plus, il fait un lien avec l’Écriture.
Le disciple bien aimé est capable de saisir au plus profond du tombeau, au creux tragique des événements ce qu’avait annoncé les écritures. « Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Quelle phrase de l’Écriture arrive alors à l’esprit de Jean lui permettant de faire ce passage dans la foi en la résurrection ? Aucune phrase précise dans le premier Testament, juste un faisceau d’indications annonçant un monde nouveau, nouvelle terre, nouveaux cieux ». Comment Jean ne se souviendrait-il pas de certaines paroles prononcées par Jésus ? Comment Jean peut-il oublier cette phrase de Jésus ? « Détruisez ce temple et en trois jours je le rebâtirai ». Seul l’esprit illuminé par la foi, l’espérance et l’amour peut discerner, le mystère du Jour nouveau et du Monde nouveau, le mystère de la nouvelle création qui s’annonce, le mystère de la présence du Vivant qui vient combler notre attente. « Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ». De la croix jaillit l’eau vive du salut et c’est notre joie. Maintenant, nos yeux éblouis par la lumière de Pâques saisissent cette joie comme un cadeau inespéré : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Christ est ressuscité et c’est pour nous qu’Il est ressuscité. Les effets de la résurrection agissent déjà dans notre vie. Au milieu de notre chaos, Dieu trace des chemins de libération. La résurrection est cette nouveauté, cette nouvelle création dans nos vies. Oui ! croyons aussi à l’expérience de la puissance de la résurrection dans la nuit de ce monde. Mettons-nous à l’écoute de ce monde en souffrance, de ce monde en attente. En son nom, accueillons ce mouvement puissant qui nous fait passer de la mort à la vie.
Comme Marie-Madeleine, nous aussi, nous avons à nous déplacer, de la mort à la vie. Mais comment ?
Dieu nous veut vivant, vivant de cette vie qui traverse les forces de la mort. Quelles sont les forces de mort qu’il veut visiter, c’est-à-dire tous les obstacles que nous mettons dans notre vie et qui nous bloquent dans notre chemin d’ intimité avec Lui.
Nous sommes invités à nommer, et ouvrir à Dieu ce qu’il veut convertir en nous, si nous consentons à son amour.