Nous sommes toujours dans l’octave de Noël. Ce temps de Noël est le temps de l’adoration. La parole s’est faite chair, la parole s’est faite enfant, enfant adorable au sens fort du terme. Le silence de l’adoration dit quelque chose de ce temps de Noël… Et pourtant ! En ce temps de Noël, les bombes tombent toujours sur l’Ukraine. Comment parler de paix, de silence habité par la Parole faite chair, au cœur même de ce drame ? A travers cette tragédie, comment comprendre cette bénédiction que nous avons entendue dans la première lecture ?

Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’Il se penche vers toi. Le scandale du mal vient une fois de plus nous interpeller et nous inviter à approfondir notre foi. Dans le même registre et à une autre époque, comment comprendre le massacre des saints innocents provoqué par l’événement même de la naissance du Christ? Il y a eu les bergers, Marie et Joseph mais il y a eu Hérode. Le mystère d’iniquité se déchaînant au moment de l’incarnation, on peut tenter de comprendre et dire : c’est à cause de la méchanceté de l’homme.

Mais toutes les catastrophes climatiques que nous avons vécues durant l’année qui vient de se terminer. De qui est-ce la faute ?  C’est comme si une tornade à Bethléem s’était déchaîné en ces jours de la nativité. Comment ne pas accuser Dieu de l’arbitraire de toutes ces catastrophes naturelles sans équivalent. J’ai entendu des témoignages de rescapés. Toujours le même sentiment d’incompréhension et d’horreur. Dans une telle tempête, l’homme n’est qu’un fétu de paille.  C’est vrai, l’homme n’est qu’un fétu de paille. Comme dit le psaume 62 : Un souffle seulement les fils d’Adam… Sur la balance s’ils montaient tous ensemble, ils seraient moins qu’un souffle. J’entends dans cette prise de conscience du psalmiste une émotion que l’on retrouve dans le refrain de l’Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout est vanité.

Le mot souffle du psaume et le mot vanité de l’Ecclésiaste traduisent le même mot hébreu que l’on pourrait traduire par buée. Sans le dessein bienveillant de Dieu nous sommes buée. L’homme prend alors conscience de sa fragilité Seigneur, qu’est-ce que l’homme que tu le connaisses, le fils d’un homme que tu en prennes souci, l’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme ombre qui passe. Tout en découvrant sa fragilité, l’homme peut découvrir également et dans la même dynamique qu’une autre vitalité que sa vie physique et psychologique le traverse et l’habite : c’est le souffle même de Dieu, son souffle de vie, de tendresse et d’amour. On comprend alors mieux le psalmiste quand il dit en parlant de l’homme : Tu l’as fait un peu moindre qu’un Dieu. Qu’est-ce que des bergers, Seigneur que tu leur ouvres le ciel ? Qu’est-ce que Marie et Joseph, fragile couple jeté par édit de l’empereur sur les routes de Palestine ? Tu les as faits un peu moindre qu’un dieu. Tu les as faits porteurs d’une bonne nouvelle, d’un souffle nouveau ! Les bergers vont raconter ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Comment garder cela pour soi ? Cette parole qu’ils ont reçue est à transmettre. La Bonne Nouvelle de Noël, c’est la lumière en notre humanité, la lumière en notre monde non pacifié mais sauvé. Marie, cependant retenait ces événements et les méditait dans son cœur. Marie continue son chemin de foi. De toute la force de son intelligence, de toute sa volonté, de tout son cœur, de tout son être, elle cherche à pénétrer le sens de ces événements. L’Esprit saint a pris Marie sous son ombre et elle a enfanté le Christ. Elle ne cessera de l’enfanter pour nous dans sa disponibilité à l’Esprit en elle. Et Dieu seul sait combien elle sera travaillée, déplacée, traversée par les évènements du salut. Marie est mère du Christ pour nous, cette maternité n’est pas limitée à l’espace et au temps. Elle est maintenant éternelle. Marie enfante toujours Jésus en nous, elle préserve et protège la vie divine en nous.

La vie divine en nous est à protéger. Comme elle l’a fait pour l’homme-Dieu, l’enfant-Jésus dont elle est la mère, Marie nous apprend un autre visage de Dieu que celui que l’on pourrait appréhender dans les tempêtes ou les guerres. Le visage du Seigneur en ce temps de Noël, en ce temps de silence est un visage d’enfant. Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi. Alors nous réalisons subitement que ces paroles de bénédictions en ce temps de Noël s’engagent dans un double mouvement. Il ne s’agit plus seulement de demander au Seigneur qu’il se penche sur nous mais comme Marie de nous pencher vers celui qui est la source de toutes bénédictions. Qui peut se pencher le mieux sur le visage de l’enfant-Dieu si ce n’est Marie, la mère de Dieu. Combien de fois s’est-elle penchée vers Jésus. Marie a découvert à travers son attention maternelle à Jésus que le Seigneur des Seigneurs vient apprendre d’elle. Il vient apprendre d’elle ce beau mot de maman, ce premier mot qui ouvre les lèvres du petit enfant. Maman est le nom donné au visage de tendresse penché vers lui, le jour, la nuit mais il est plus encore, il est le nom qui habite déjà son cœur et sans lequel, il n’y aurait jamais pour lui de sécurité, de bonheur et de vie. Ainsi le nom de Marie a habité le cœur de Jésus, il a pris racine en lui et l’a envahi de tendresse, de lumière et de joie. A travers toutes les catastrophes du monde, combien de tendresse, combien de gestes de solidarité, combien d’amour se réalisent en ce moment même. La nouveauté de l’Incarnation, c’est Dieu au milieu de nous, c’est Dieu à travers nos mains, nos gestes consolants, essuyant les larmes, c’est Dieu nous apprenant l’espérance au cœur même des difficultés, c’est Marie comme modèle. Comme Joseph, il nous faut prendre Marie chez nous, comme Jean, au pied de la croix, il nous faut prendre Marie comme mère. A ses amis intimes, Jésus révèle les secrets de la maternité de Marie, il leur montre comment il faut se réfugier auprès d’elle en invoquant son nom béni. Le nom de Marie est bénie, il est bénie entre toutes les femmes. Le Seigneur a tourné vers elle son visage et il s’est penché vers elle. Il lui a apporté la paix. Il s’agit bien de cette paix de la nuit de Noël, révélée aux bergers : « et paix sur terre aux hommes qu’il aime ». La paix, c’est ce que nous voulons recevoir en ce jour, le premier jour d’une nouvelle année. Que le Seigneur pacifie notre cœur pour que nous puissions vivre l’espérance chrétienne tout au long de cette nouvelle année malgré toutes les futures épreuves de nos vies et de notre monde. Espérer, ce n’est pas croire que tout finira par s’arranger ; c’est croire en la vie divine plus forte que la mort, c’est croire en la tendresse de Dieu qui se confie à nous comme l’enfant de la crèche dans les bras de Marie.

Bmg