Présentation générale
La liturgie de la solennité de l’Assomption de Marie propose à notre méditation trois textes :
- Tout d’abord, un récit apocalyptique, l’Apocalypse de Saint Jean.
On part de très haut. Ce texte tiré de l’Apocalypse de Saint Jean, dans un langage symbolique, proclame la victoire de la femme et de l’enfant sur le dragon.
- Ensuite, une lettre de Paul qui parcourt toute l’histoire de l’humanité en butte avec la mort. Comment Dieu nous sauve de la mort, c’est le cœur de sa réflexion. Dans ce texte, Paul contemple la victoire de la vie sur la mort par le Christ dans sa Passion et sa résurrection
- Pour finir, l’évangile de Luc nous raconte la visite de Marie à sa cousine Élisabeth. Nous plongeons dans le quotidien le plus ordinaire qu’est la visite d’une jeune fille d’Israël qui va visiter sa vieille cousine. Texte ordinaire certes mais de cet ordinaire jaillit une extraordinaire puissance de vie qui dépasse ces deux cousines toutes deux enceintes. Cela dépasse infiniment la joie de deux futures mamans qui se réjouissent de la venue de leurs enfants. C’est extraordinaire.
Comment faire le lien entre ces 3 textes ? L’extraordinaire les relie tous. L’inouï, l’inimaginable se réalise sous nos yeux et pour le texte de Saint Luc dans l’ordinaire de la vie humaine. Nous aussi nous avons à accueillir l’extraordinaire dans l’ordinaire de nos vies. C’est l’invitation des textes de ce dimanche.
Regardons plus précisément les textes
Tout d’abord le texte de l’Apocalypse de Saint Jean. Il s’agit d’un drame qui se joue entre un dragon, une femme et un nouveau-né. Que symbolise le dragon ? Il symbolise toutes les entités spirituelles non ordonnées à Dieu qui s’opposent à Lui et qui le haïssent. La conséquence de l’action de toutes ces forces de mort, c’est ce combat qui oppose la mort et la vie : mort physique à laquelle nous sommes tous confrontés car elle s’est introduite dans notre humanité dès le péché originel mais aussi la mort spirituelle c’est-à-dire la rupture définitive avec Dieu. Dans ce texte est proclamée la victoire de l’enfant qui naît et d’une femme couronnée d’étoiles, la lune sous ses pieds. L’enfant qui naît c’est le Christ mais aussi les enfants du Père que nous sommes. La femme c’est l’Église, mais c’est aussi la première de cordée de l’humanité blessée qu’est Marie. Le texte de l’Apocalypse dit la victoire du Christ en des mots très solennels : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu ». Le style apocalyptique est une méthode utilisant des symboles pour décrire l’histoire de l’humanité vue du Ciel dans le dessein bienveillant de Dieu sur l’humanité. La victoire du Christ est définitivement inscrite dans le Ciel mais aussi dans nos vies. D’où la solidité de notre espérance. Nous avons raison d’installer nos vies sur la foi en cette victoire.
Avec ses propres mots, Saint Paul confirme cette victoire. Victoire contre les forces de mort à l’œuvre dans ce monde. Le dernier ennemi, précise-t-il qui sera anéanti, c’est la mort.
Dans le texte de l’Évangile de ce jour, l’extraordinaire surgit du récit de la Visitation. D’abord les naissances : un enfant qui nait d’une vierge, un autre enfant qui nait d’une vieille femme stérile, c’est extraordinaire. Déjà la Résurrection agit. Après l’annonce de l’Ange Gabriel, Marie se leva : le mot grec qui est utilisé ici pour se leva, est celui utilisé pour la résurrection. Déjà en Marie, des semences de résurrection. « Marie se rend avec empressement ». Quelle urgence derrière cette hâte ? Aucune urgence, juste l’action de l’Esprit saint qui presse Marie à faire cette visite à Élisabeth.
L’extraordinaire c’est l’action de Dieu, c’est l’action de l’Esprit saint. Le mot de salutation de Marie, le shalom de Marie va déclencher une réaction en chaîne. L’enfant en Élisabeth va tressaillir. Élisabeth va prophétiser d’une voix forte sous l’action de l’Esprit saint. Marie sous l’action de l’Esprit saint va proclamer son Magnificat. L’Assomption c’est la gloire de Dieu qui se communique à l’humanité. Ce n’est pas facile le mot gloire. La gloire de Dieu c’est le rayonnement de son amour. Amour libérateur, guérissant les blessures de notre humanité.
Un exemple parmi tant d’autres. Avant de venir à l’île de Ré, j’ai co-animé avec un autre prêtre et deux psychologues spécialistes du corps une session pour les femmes abusées enfants. Onze femmes de tous âges y participaient. La plus jeune avait 18 ans. Lors de la soirée de présentation, tout son corps parlait : une colère immense l’habitait. Aussi grande que la colère : sa peur. Elle était enfermée dans cette colère et cette peur. Pour se protéger, elle était devenue une championne en art martial. A la fin de la session, pendant la messe, chacune a pris la parole pour rendre grâce. Je rapporte ses paroles : « Je suis venue avec des pieds de plomb. J’ai décidé de m’inscrire car j’ai fait confiance à ma coach, ici présente. Pour moi, Dieu, c’était un concept un peu vague. Maintenant je peux dire que je l’ai rencontré, j’ai ouvert mon cœur et accueilli sa tendresse. » Elle avait laissé sa cuirasse. Nous n’avions plus affaire à une guerrière mais à une jeune fille de 18 ans. Un long chemin reste affaire mais elle n’est plus seule. Sa foi est basée maintenant sur l’expérience de l’amour libérateur et guérissant de Dieu. Marie a été très présente dans ce chemin de guérison. Ne nous privons pas de la tendresse mariale dans notre foi. L’Assomption de Marie est l’occasion pour nous de nous replonger dans cette tendresse. L’Assomption de Marie n’est pas un privilège dans le sens où ce ne serait que pour elle. L’expérience de l’Assomption de Marie est un don aussi pour nous. La nature de ce don est de se communiquer à d’autres. Marie est la première en chemin comme chef de cordée. Elle nous accompagne et nous guide, nous qui avons à traverser les ravins de la mort. Marie est mère. Cette vie en Dieu, cette vie plus forte que la mort, elle nous l’enseigne comme une mère peut l’enseigner à ses enfants pour que nous même nous l’enseignons à notre tour. Elle nous l’enseigne comme une réalité à venir mais aussi réalité déjà présente dans notre vie, ici et maintenant. Marie communique en fait son assomption, c’est à dire sa vie, sa tendresse, son amour pleinement assumé en Dieu. Comment accueillir dans nos vies cette Assomption ? Comme Élisabeth, sa cousine, en accueillant Marie chez nous, dans notre propre vie. Comme Jean, au pied de la Croix en accueillant Marie comme mère. Notre vie spirituelle a besoin de la tendresse maternelle de Marie. Pourquoi ? Parce que Marie ne cesse d’enfanter en nous le Verbe, son Fils. C’est ça entrer dans l’expérience de Marie, c’est assumer ce que Marie a assumé. C’est accepter que Dieu assume en nous ce qu’il a assumé en Marie. Comment ? En consentant à ce que la promesse de Dieu aille au-delà de notre compréhension, à ce qu’il nous précède sur notre chemin, en accueillant les semences de Résurrection et en ne perdant pas de vue la finalité, le sens de nos vies qu’est la Résurrection, notre résurrection. Comme Marie, corps, âme, esprit, nous serons assumés dans la gloire de Dieu, dans sa lumière, dans sa paix, dans sa joie.