Trésor enfoui, perle précieuse
Tous ces temps, nous avons eu toute une série de paraboles sur le Royaume. Tout d’abord, les paraboles de la semence jetée en terre, ensuite sur le levain enfoui dans la pâte. Faut-il comprendre que le Royaume est souterrain ? Deux images dans le texte de l’évangile de ce dimanche : l’une décrit le royaume comme un trésor enfoui et découvert dans un champ et l’autre comme une perle qui se révèle précieuse.
Le Royaume est donc discret : soit caché, soit ignoré aux yeux de chair. Ce Royaume vous est devenu accessible grâce à des prises de conscience et des actes de foi. Vous avez pu accueillir une plus grande clarté qui a ouvert votre esprit à l’Esprit Saint. Le Royaume est caché, discret, souvent ignoré certes mais pas statique du tout. Bien au contraire, il est principe de vie, il est mouvement vers la lumière. Il est fait pour la lumière. Il est lui-même semence de lumière, enfouie dans la terre, en notre terre, capable d’ensemencer notre terre intérieure.
Le Royaume est donc un mouvement en nous qui est lumière et qui cherche la lumière : mouvement d’intériorité cherchant à se révéler à l’extérieur comme la perle précieuse, comme le trésor enfoui. Double mouvement donc. Ce dynamisme du Royaume qui grandit en nous est à accompagner. Il est en attente de notre consentement et de notre collaboration. Il nous espère au dedans de nous pour nous emmener au-delà de nous-même. Double mouvement : mouvement de plongée en soi mais aussi dynamisme de l’ouverture, de la sortie de soi. En fait un exode permanent allant du « je » enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu. Vous avez fait cette expérience. Vous avez eu accès à cette intériorité authentique, vous avez plongé en vous-mêmes ; non pas seulement par un repli introspectif sur vous-même mais dans un mouvement de l’esprit, infiniment plus proche de la compassion que de l’introversion. Loin d’être un repli sur soi, l’intériorité est une attitude de non distance vis-à-vis des êtres et de soi-même, par la vertu d’une ouverture totale du cœur.
Alors qu’apportent de plus ces deux paraboles que la liturgie de ce dimanche nous donne à méditer. Rappelez-vous les deux images, celle d’un trésor caché, enfoui et celle de la perle de grande valeur. Lors de cette session, vous avez parcouru le chemin des paraboles. Des ronces, des chemins piétinés, des pierres qui continuent à faire mal, vous les avez identifiés. Et c’est grâce à la générosité du semeur qui jette la semence a des endroits improbables comme le chemin, les ronces, les pierres que la parole a pu vous toucher, rejoints. Le Seigneur vous a invités à accueillir les semences de vie dans tout votre être, pas uniquement là où tout est bien en ordre : le salon par exemple mais aussi à la cave et au grenier. Nous l’avons déjà pointé du doigt : la semence va d’abord sur le chemin où il y a du passage et où tout est piétiné. Le Seigneur veut libérer là où ça fait encore mal. Quant à l’ivraie qui a été semé par l’Ennemi dans le champ de blé que nous sommes, c’est l’esprit de mort, de culpabilité, de honte, d’intrusion, de division. A propos ivraie en grec c’est zizanion, d’où le terme zizanie, discorde. Le maître de la moisson décide de laisser pousser l’ivraie avec le blé. Pourquoi ? Arracher les mauvaises herbes déracinerait également le blé́, causant plus de dégâts à la culture que de laisser les mauvaises herbes pousser car il n’est pas si facile de distinguer les mauvaises herbes du blé́. Au tout début, impossible de distinguer jeunes pousses de blé et l’ivraie. De plus leurs racines sont entrelacées sous le sol. Pour cette décision de ne pas désherber, ne pas trier, deux niveaux d’interprétation.
Premier niveau : le tri se fera au temps du jugement, justice sera rendu et c’est tellement important pour les victimes ! Deuxième niveau, dès maintenant, sans attendre, Dieu commence le tri. Dans la traversée de nos vies, quand le blé est suffisamment mûr, c’est-à-dire quand nous avons suffisamment distancé le mal, en le nommant, en l’ouvrant au dynamisme de guérison et de libération du Seigneur, dès qu’Il peut, c’est-à-dire quand nous sommes mûrs, le Seigneur trie et nous met en sécurité par rapport à l’ivraie : délicatesse de Dieu qui ne veut pas prendre le risque pour ses enfants en faisant trop tôt le tri mais qui au temps opportun nous délivre. C’est ce qu’il a fait, entre autres, dans cette session et qu’il continuera à faire dans vos vies parce que c’est mûr.
Le Royaume, c’est comme une graine de sénevé, dit Jésus. Dans notre vie profonde, est semé le Royaume. Ce Royaume est jeté au creux de notre humanité blessée. Le Royaume, c’est aussi bien sûr le Christ lui-même. Il est allé tout sauver en dedans de nous, particulièrement ce qui reste souffrant, douloureux en nous. Christ a été jeté en terre à Gethsémani et sur la croix. Au cœur de la souffrance, Il ouvre les bras et réconcilie définitivement la terre et le ciel, notre terre intérieure faite pour le Ciel.
Tout est dit, alors encore une fois, pourquoi deux autres images ? Que manque-t-il à cette série de paraboles ? Qu’ajoutent les images du trésor enfoui dans un champ, et de la perle précieuse découverte presque par hasard par un négociant qui connaît la valeur des pierres.
De l’enfouissement du trésor à l’éblouissement dans la contemplation de la perle précieuse, un passage : celui de l’ombre à la lumière.
Notre ombre, c’est ce qui en nous n’a pas pu advenir en pleine lumière, ce qui en nous stagne dans les grisés de l’attente d’un regard de bienveillance. Notre propre regard sur nous-mêmes est parfois si dur, pourquoi ne pas décider de nous laisser aimer totalement, intégralement par Dieu ? Nous sommes souvent tellement dépendants du regard des autres. Il est long le chemin pour accepter que Dieu nous aime infiniment mieux que l’ont fait nos parents, pourquoi ne pas, dès maintenant, accueillir dans la foi Celui qui jamais ne désespère de nous mais qui, bien au contraire, nous révèle la merveille que nous sommes à ses yeux, la perle précieuse que nous sommes ! Reconnaitre nos ténèbres et accueillir notre ombre est un travail de lucidité et d’humilité, c’est un vrai travail, un travail coûteux car un travail sur soi. Exposer notre ombre à la lumière est un acte de confiance. C’est alors que, sous le regard illuminateur du Christ, l’ombre se met à resplendir des couleurs de l’arc-en-ciel, signe de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Nommer, ouvrir à la lumière de Dieu, c’est passer des ténèbres à la lumière. Dieu transfigure tout ce que j’ai reconnu, nommé et offert au Seigneur. C’est véritable alchimie divine qui transforme le plomb de nos lourdeurs en or, cet or qui est le bonheur que Dieu veut pour chacun d’entre nous. Qu’il est grand ce mystère !
bmg