Une histoire très concrète mettant en scène des personnages de la vie de tous les jours, dans des situations qui parle à tout le monde. Ce qu’il faut d’abord chercher dans une parabole , c’est la provocation, un élément surprenant qui semble être comme une interpellation. En suivant le fil de cette provocation, chercher une invitation à se remettre en question, à changer notre manière de voir et de nous situer dans la relation à soi, aux autres, à Dieu. Un pharisien et un publicain : personnages très identifiés. L’un est respecté, le pharisien et l’autre est détesté, le publicain. Or celui qui sera « justifié » est le publicain ; celui qui sera déclaré stérile dans sa prière, c’est le pharisien. Or il est évident que ce n’est pas juste, s’il on considère le comportement des deux. « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » C’est le pharisien. Ce n’est pas rien comme bonne action. Par contre, rien de tout cela pour le publicain qui est détesté de tous car il est chargé par les romains d’avancer l’argent des impôts et ensuite le récupérer sur le dos du peuple, avec bien entendu un bénéfice consistant. Tout est inversé c’est le gentil qui est pointé du doigt par Jésus et le méchant est encensé.
C’est en partie ici que réside la provocation. Mais pas seulement. Ce à quoi je suis provoqué, c’est à m’identifier. Cette parabole nous peint le tableau de ce que nous sommes. Suis-je comme le publicain ou comme le pharisien ? En général, nous sommes plus enclin à nous identifier au publicain puisque sa prière a été reconnue par Jésus comme ayant été fructueuse et comme ayant atteint sa cible. Une petite grille de lecture pour un discernement : Quelle est la représentation que je me fais de Dieu ? Est-ce que ma représentation de Dieu est celle d’un Dieu miroir ? C’est la tendance du Pharisien. Je me présente devant Dieu dans le contentement de moi-même. Ne suis-je pas tenté par l’autosatisfaction de moi-même. Vous connaissez la Castafiore qui chante devant son miroir : « Ah que je me trouve si belle en ce miroir » ; c’est plus grave pour la Castafiore que pour le pharisien. La différence entre la Castafiore et le pharisien, c’est que celui-ci parle d’actes difficiles à poser et non des impressions, des états d’âme. Il reste que cette autoglorification, n’est pas la prière. Autre chose est le Dieu auquel le psalmiste s’adresse. Je te rends grâce Seigneur pour la merveille que je suis. Est-ce cela que fait le pharisien ?
Quand le psalmiste rend grâce, c’est sous le regard de Dieu. Pour le pharisien, c’est sous son propre regard. Une autre tendance du pharisien et qui nous guette tous : c’est mériter l’amour de Dieu par de bonnes actions. C’est le Dieu distributeur de bons points. Le remède à cette tentation : « je ne suis qu’un serviteur quelconque ». Christ m’appelle ami mais je reste serviteur. Un autre remède : se souvenir de ce que le psalmiste dit dans un psaume: «Non pas à moi Seigneur, la gloire mais à toi, Seigneur, la gloire te la louange ». L’humilité du publicain va toucher le cœur de Dieu. Le publicain se sait malade et s’adresse à un Dieu dont l’amour est guérissant et libérateur. La maladie du publicain, c’est qu’il est incapable de relations justes. Ses relations sont malades. ( relation à soi, aux autres, à Dieu). Mais il nomme ses faiblesses pour ouvrir à l’action guérissante et libératrice de Dieu.
« Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !’ » Trop facile ! N’est-ce pas un Dieu laxiste auquel le publicain s’adresse ? La rencontre avec Dieu dans une sincérité et une authenticité nous change. C’est l’exemple de Zachée. Sa rencontre avec Jésus va le changer et il changera de comportement. Nous chrétiens, disciples du Christ, nous croyons en un Dieu relation. La nature de Dieu, c’est qu’il est relation. Tout est donné, tout est reçu. Le pharisien est comme une île fermée sur lui-même. Dans sa faiblesse, le publicain est ouverture à plus que lui-même. Dans son ouverture, il reçoit la justification. Dieu l’ajuste à lui. Il reste au publicain à signer en bas du contrat et pour cela, il doit accueillir cette guérison par ses actes et sa conversion.
Comme Zachée, il a à collaborer à la grâce. Quant au pharisien, comment peut-il signer en bas du contrat puisqu’il n’y a pas vraiment d’alliance avec le Seigneur. Pour un contrat, il faut être deux. Dieu est miséricorde : le Cœur de Dieu dans notre misère. Notre misère, c’est l’écartèlement en nous entre ce que nous sommes profondément, une merveille aux yeux de Dieu et tout ce qui fausse notre regard, à savoir nos peurs, nos angoisses, notre suffisance, notre orgueil (vaine tentative de nous sortir de la mésestime de nous-même), notre tendance à juger les autres, notre tendance à nous comparer ( vaine tentative pour nous valoriser à nos propres yeux et à ceux qui veulent bien nous écouter).
« Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes, ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. » Reconnaître comme le publicain que nous sommes incapables de relations justes et demander la grâce de la justification. « Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. » L’eucharistie est par excellence le lieu de la rencontre. Christ nous nourrit à travers ce qui semble si fragile en nous, à savoir la capacité à nous ouvrir aux autres, la capacité à voir l’autre comme Dieu le voit, à nous libérer des obstacles de notre cœur : amertume, volonté de puissance, peurs, repli sur soi.
Le Seigneur Eucharistie nous sauve de toutes ces tendances, il nous sauve de nous-même et nous apprend ce que nous sommes vraiment : des vases d’argile contenant un trésor sur lequel Il veille avec nous.
bmg