Les rites de l’Ancienne Alliance effectués par Marie et Joseph relèvent de la foi d’Israël.
En conformité avec les rites de l’Ancienne Alliance, Marie et Joseph viennent présenter leur enfant et sacrifier au temple un couple de tourterelles ou deux petites colombes. Même si Marie, la toute pure n’a pas besoin de se purifier, Joseph et Marie reconnaissent la pertinence de la foi d’Israël qui a cru aux promesses du Seigneur malgré épreuves, infidélités, mal subi, mal commis.
Les prophéties de Siméon et d’Anne signent le passage de l’ancien au nouveau Testament : continuité et non rupture pour un accomplissement. L’ancien rituel consenti par Marie et Joseph s’ouvre maintenant sur l’œuvre de l’Esprit Saint, œuvre plénière de réparation et de purification. Nous sommes désormais dans la mouvance de l’Esprit Saint.
L’Esprit Saint est à l’œuvre. Siméon dans le temple va vivre une nouvelle liturgie, celle où l’enfant est au centre de toute joie, de toute action de grâce. C’est encore l’Esprit Saint qui attire la prophétesse Anne pour y être activement participante avec Marie et Joseph autour de l’enfant. Nous sommes dans la quintessence de la liturgie, dans le temple, la maison du Père, autour du Verbe incarné en Jésus et dans ce tourbillon de l’Esprit Saint à l’œuvre. Ce qui accompagne cette liturgie, c’est la joie de l’Esprit saint livrée dans le cœur de chacun. Siméon est en extase. Anne prophétise et est portée par la joie qu’elle transmet à tous ceux qu’elle rencontre. On peut parler de la sobre ivresse de l’Esprit Saint. C’est dire qu’en christianisme, la joie est centrale.
La joie est très présente mais pas sans l’ombre du mal qui semble vouloir la contredire. Siméon prophétise que Marie sera blessée : « et toi, ton âme sera traversée d’un glaive, ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. » Marie en communion avec Jésus sera traversée par la souffrance de son Fils mais aussi par la souffrance de nos propres blessures. C’est ce qu’elle vit en communion avec Jésus au pied de la Croix devant l’Innocence crucifiée. Le drame de la souffrance innocente est déjà présent dans cette célébration au temple.
Nous célébrons la vie consacrée à l’occasion de cette fête de la présentation au temple ? Pourquoi ? La vie consacrée est une manière radicale de vivre notre consécration baptismale. Nous avons été enthousiasmés au sens littéral du terme par un appel. Nous avons accepté comme Marie la joie qui accompagne cet appel. Petit à petit, nous avons dû visiter la face cachée du mystère d’amour qui nous a séduit, à savoir la confrontation au mystère du mal. Nous avons dû accepter de manquer, de nous dépouiller par amour, sous le regard du Christ qui est le véritable trésor vivant dans notre mémoire, prémisse de la vie éternelle. C’est là la vocation de tout baptisé ! Alors en quoi, la vie consacrée répond à un appel spécifique ? « Les religieux et les consacrés s’engagent par vœux à vivre dans une vie totalement donnée à Dieu en communion avec le Christ. Comme tout baptisé qui prend comme fondement de sa vie son baptême ». (Catéchisme de l’Église catholique)
Le baptême et la vie consacrée ont la même finalité. Ce qui fait la différence, ce n’est pas la finalité mais les moyens.
« Par vœux », dit le catéchisme.
Les vœux sont des moyens en synergie avec la mission, la prière et la vie communautaire y compris dans la vie érémitique. Dans son ermitage l’ermite a le monde entier dans sa prière et non d’une façon abstraite mais en la laissant habiter par des visages, des situations, une attention à la souffrance du monde.
La dimension prophétique de la vie chrétienne s’origine dans le baptême. La vocation prophétique des consacrés est-elle différente ? Au départ d’une congrégation ou d’une institution, un fondateur reçoit un charisme. Si certaines congrégations ont traversé les siècles, c’est que le charisme fondateur a été adapté, relu, revisité tout au long de l’histoire de l’institution.
L’héritage de nos fondateurs, c’est une prophétie à mettre en œuvre. La réalité prophétique confiée par l’Esprit Saint au fondateur est à travailler, renouveler, inventer et pas simplement répéter. Le monde a besoin qu’il y ait des prophètes dans la vie consacrée, bien sûr les fondateurs mais aussi tous les consacrés qui portent, en communauté ou comme ermite, cette réalité prophétique dans les signes des temps tout au long de l’histoire. Dans le baptême nous avons tout. Il est le fondement de toute consécration. Alors qu’ajoutent les différentes spiritualités ? Un charisme donné a un fondateur est une semence de vie destinée à mettre en lumière un aspect de l’immense richesse du baptême. Par des arêtes vives, ce qui est proclamé dans une spiritualité spécifique, c’est une facette du baptême. A voir vivre un franciscain, chaque chrétien peut comprendre l’importance de la simplicité de vie, un dominicain, l’importance de la Parole, un trinitaire, l’amour guérissant et libérateur du Seigneur etc. … Ce qui est merveilleux dans la vie consacrée, c’est que les charismes se complètent. La révélation est si riche, si inépuisable, qu’un seul charisme ne peut la communiquer. Fort de notre baptême, nous avons sous les yeux, en contemplant l’ensemble de la vie consacrée, toute la palette de toutes les couleurs de notre baptême. A la lumière du Seigneur quand on regarde l’ensemble de la vie consacrée avec toutes ses charismes, toutes ses facettes, on contemple un diamant reflétant la beauté du Seigneur. C’est en fait la révélation de la richesse du baptême.
Pour un consacré, incarner cette réalité prophétique, ce n’est pas être parfait, c’est accepter de suivre Jésus. Même en cahotant, nous ferons l’expérience qu’à Dieu, tout est possible ; même passer par l’étroitesse de notre cœur.
C’est cela qui est demandé à tout baptisé : une radicalité, un engagement à vivre certains manques comme une chance pour donner davantage. Pour la vie consacrée, cette radicalité, c’est l’A.D. N de notre engagement.
Le baptisé est appelé à être disciple du Christ. Lors de sa mission sur les routes de Palestine, qu’a fait Jésus, sinon se confronter au mystère du mal. Il guérit, libère, compatit à la misère du monde. Tout baptisé est amené à entrer dans cette attitude de compassion du Christ qui voit, entend, comprend et agit.
Dans la vie consacrée, l’intimité avec le Christ nous arme pour oser voir la souffrance. Impossible de ne pas y être confronté ! Pourquoi ? L’intimité avec le Christ est notre priorité. Même si la souffrance de l’autre nous renvoie inconsciemment ou non à nos limites et à notre propre misère moins visible, plus intérieure mais bien réelle, pourquoi notre regard et celui du Christ ne s’épouseraient-ils pas ?
C’est alors seulement que nous pourrions entendre comme un appel, comme une invitation à l’espérance : simplement accepter de regarder la misère, simplement accepter d’être touché par elle et ouvrir en nous notre humanité à l’espérance. Espérer en cet homme-là, cette femme-là ou encore en cet enfant, dont nous aurions tendance à désespérer, n’est pas spontané. C’est un don, fruit d’un travail intérieur qui nous pousse à aller plus loin, à nous laisser transformer par l’action de Dieu pour que notre regard s’ouvre. Alors, si Dieu veut, nous verrons vraiment…Alors nous saisirons dans la misère de cet homme-là, de cette femme-là ou de cet enfant, grandeur et dignité. C’est alors que l’action qui jaillit de cette prise de conscience deviendra fructueuse. Qui plus est, si notre action est « eucharistiée », c’est-à-dire plongée au cœur de la messe dans le don même du Christ qui s’offre au Père, qui nous offre au Père, qui offre le monde au Père.
Bmg