« Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé » St Augustin
Dans le texte de l’évangile de ce dimanche, on trouve 5 fois le mot glorifier et 4 fois le mot aimer. Le mot gloire en Dieu n’a pas le même sens quand nous l’utilisons pour parler de la gloire, d’un roi, d’un empereur, d’un chef de guerre, d’une star, d’un politique. Quand une personne se couvre de gloire, le sens est aux antipodes de ce que le Christ nous fait comprendre de sa propre gloire et de celle de son Père. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la gloire de Dieu, c’est le rayonnement de son amour. C’est la raison pour laquelle, dans le passage de l’évangile proclamé, il est mis en lien avec le mot amour. De quel amour, s’agit-il ? A la fois de notre pauvre amour, l’amour dont nous sommes capable et l’amour agapè qui est en Dieu.
Pour tenter d’approfondir ce que gloire et aimer veulent dire dans la bouche de Jésus, j’ai écrit un petit scénario mettant en scène trois personnages, un sage, un artiste et un souffrant. Le sage, pour aider les deux autres, fait appel à la sainteté de deux personnes ayant bien sûr existé : Sainte Elisabeth de la Trinité et Saint Jean-Paul II.
Le sage s’adresse à l’artiste :
« Toi la star, la célébrité reconnue, l’artiste adulé, que cherches-tu sur la scène, sous les projecteurs qui te donnent l’illusion d’être une lumière ?
- Je cherche à être aimé et je fais tout pour briller aux yeux de tous, mais c’est un trou sans fond. Jamais je ne suis rassasié.
- Toi l’artiste plein de dons, habile à te faire aimer, t’es-tu demandé si tu ne t’étais pas trompé de cible ? L’amour que tu cherches, tu en es aimé. Il te faut le chercher au bon endroit, à la source. Alors suis moi et accompagne-moi dans l’enquête que je mène au profit de ceux qui, comme toi, cherche la lumière. Justement, cet homme qui arrive vers nous !
- Eh! toi que cherches-tu, avec ta lanterne dans l’obscurité?
– Je cherche la lumière et je caresse l’espoir qu’elle existe vraiment!
– Pourquoi la chercher dans la nuit?
– A chaque fois que j’ai dû traverser d’épaisses ténèbres dans ma vie, j’ai cru la deviner au creux de mes obscurités.
– La quête qui t’anime, je la connais, l’obscurité je l’ai traversée. Acceptes-tu la sagesse de ceux qui ont fait le chemin ? Sainte Elisabeth de la Trinité peut t’aider.
L’homme en souffrance accepte alors d’interroger la Sainte :
- « Que cherches-tu Elisabeth ?
- La lumière
- L’as-tu trouvée ?
- Je la cherche et je crois la chercher au bon endroit
- Où ça ?
- En Dieu mais aussi en moi !
Mon âme a compris que toute joie naturelle ou surnaturelle se trouve en moi et cette joie n’est autre que Dieu lui-même. J’espère avoir emprunter le chemin qui me donne accès à une certaine ressemblance avec l’Être divin. »
Le sage reprend la parole :
- « Tu vois, chercheur de lumière, Elisabeth rejoint ici la grande tradition théologique qui parle « d’inhabitation mutuelle » de l’aimant dans l’aimé et réciproquement.
Cette vérité théologique ouvre des perspectives spirituelles infinies, en particulier pour la réception des dons du Saint Esprit qui réalisent cette « inhabitation mutuelle », et élèvent l’âme au sein de la Trinité. »
L’artiste pose alors une objection :
« Si j’accepte cette orientation de mon désir d’aimer et d’être aimé, si j’oriente ce désir vers moi-même, comment ne pas heurter le mur de mon narcissisme, tentation dans laquelle je suis tombé jusqu’à présent ? »
- Cher artiste, chercher Dieu en soi, plongée en soi pour plus que soi n’est pas à proprement parler une introspection qui ne me mène qu’à soi-même. Accéder à son intériorité, n’est pas un repli introspectif sur soi que suggère le mouvement d’intériorisation ; il est «plongée» vers soi et en soi mais aussi sortie de soi. L’expression « spiritualité de communion » de Jean-Paul II suggère un double mouvement, vers soi et vers les autres. Voilà comment il l’explicite : «« Une spiritualité de la communion consiste avant tout en un regard du cœur porté sur le mystère de la Trinité qui habite en nous, et dont la lumière doit aussi être perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés. Une spiritualité de la communion, c’est considérer le frère comme « l’un des nôtres », pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde. La vraie communion naît de la présence de la Trinité, et nous conduit à bien plus que la sympathie ou la solidarité pour nos frères, même si elle inclut nécessairement ces attitudes… Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu… Une spiritualité de la communion, c’est enfin savoir « donner une place » à son frère, en portant « les fardeaux les uns des autres » (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousies. »
L’homme à la lanterne s’anime et ose poser une question qui lui tient à cœur :
« Je suis marqué par les ténèbres que j’ai traversées, c’est comme un brouillard qui m’empêche d’accéder à la joie. La « joie naturelle ou surnaturelle qui se trouve en moi et qui n’est autre que Dieu lui-même », je n’y ai pas accès. Comment sortir de cette nuit ? »
- C’est vrai, le brouillard parfois empêche de contempler la beauté de la montagne qu’il cache. La montagne comme la joie de Dieu en nous existe cependant. La souffrance n’est pas le tout de mon être. Le chemin vers la joie de Dieu est en moi, même si je ne la ressens pas.
Au cœur de la souffrance : l’espérance. Le brouillard brouille les cartes mais cher chercheur de lumière, espère contre toute espérance qu’en toi vit et grandit la victoire du Ressuscité.
Bmg